
Eloge de la sagesse : entretien avec Eva-Maria Berg (Murs Murs La ville chuchote)
Eva-Maria Berg est poète. De langue allemande, elle publie également en français, anglais et espagnol. Et rien de mieux pour la définir que ces quelques mots (précieux) : « Le partage, le côté humain est pour moi l’essentiel dans la vie et dans la poésie.“ Son écriture est rare car elle est dense sobre pour traduire sa sensibilité, sa porosité au monde, le tout enrichi d’interrogations et de réflexions. Sa poésie s’ouvre à des dialogues multiples : avec les poètes qui traduisent ses textes et celles et ceux qui sont peintres, photographes, musiciens, performeurs ou danseurs.
D’où ses Voyages immobiles pour paraphraser un de ses premiers livres avec par exemple les peintreq Jean-Marie Cartereau, Olga Verme-Mignot, Philippe Barnoud, Eva Gallizzi. Elle-même visuelle dans sa poésie, elle démarre fréquemment ses textes par une telle impression. Existent dans son imaginaire et sa mémoire des paysages comme l’Ile Lanzarote et son volcan, l’Arizona ou encore la rade de Toulon qui lui a donné le point de départ à la photographie.
Eva-Marie Berg, Philippe Barnoud & Aurélie Dekeyser, Murs Murs La ville chuchote, éditions « Pourquoi viens-tu si tard ? », 2025, 78 p. – 15,00 €.
Entretien :
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont restés en moi, même quand je suis éveillée.
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le bonheur de commencer une nouvelle journée.
A quoi avez-vous renoncé ?
Au confort et aux illusions.
D’où venez-vous ?
Je viens d’un pays marqué par les plus grands crimes commis contre l’humanité par les nazis, ce qui me bouleverse profondément en tant que personne née après-guerre et me confère la responsabilité de toujours faire de mon mieux pour rappeler la mémoire des victimes et lutter contre toute forme de racisme et d’antisémitisme.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Dès le plus jeune âge, le privilège de la passion pour la poésie et l’art, la prise de conscience de l’injustice et de l’absurdité du monde, et la volonté d’y opposer l’imagination de l’inconnu et la vision de l’humanité
Qu’avez vous dû quitter pour votre travail ?
Mon besoin de sommeil et un bureau bien rangé.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Du chocolat s’il y en a
Comment définissez-vous l’approche de la poésie ?
Elle vient vers moi tandis que j’essaie de l’approcher.
Que représente pour vous la poétique de la ville ?
Fondée et façonnée par des humains issus d’innombrables cultures et époques, comme espace de vie et d’habitat, à la fois par des propriétaires et des sans-abri, une ville sur les ruines de murs délabrés, détruits et oubliés, et de traces envahies par la végétation, qui peut toujours être revivifiée.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Ma chaîne préférée en déplacement est France Musique avec des expériences d’écoute anciennes et nouvelles, dont des compositions contemporaines ; chez moi « L’après-midi d’un faune », « Mozart en Égypte », « Echoes » de Pink Floyd, chansons par exemple de George Brassens, Jacques Brel, Serge Reggiani…
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Die Schreie der Fledermäuse“, contes, poèmes, essais de Günter Kunert.
Quel film vous fait pleurer ?
« The kid » de Charlie Chaplin
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un visage qui me semble familier et qui, en même temps, est énigmatique.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A César Manrique.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Marseille
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Tous ceux de différentes disciplines, en collaboration actuelle ; en particulier et depuis longtemps profondément liés d’amitié et de visions : Max Alhau, Yehuda Hyman, Eva Largo, Jean-Christophe Molinéris, Olga Verme-Mignot
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Que mon partenaire, notre famille et nos amis se portent bien et que j’ai la chance de vivre et de pouvoir encore écrire.
Que défendez-vous ?
La voix de chaque individu, son droit à la dignité humaine.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Donner de son plein gré l’impossible à l’autre, qu’il s’y attende ou non.
Enfin, que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Un avertissement humoristique : ne jamais donner son accord à la légère et par ignorance.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Souhaiteriez-vous aussi me poser une question ?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 5 mars 2025.