Andrée Philippot-Mathieu, Traverser la vie – Journal poétique, 1976-2016

Andrée Philippot-Mathieu, Traverser la vie – Journal poétique, 1976-2016

Hors frontières

Les nombreuses pages de ce « Journal » sont les bribes d’un parcours de la vie et d’une créatrice. Certains laissent des « blancs » entre divers temps et moments – parfois de douleur chez une telle artiste qui utilise peintures, sculptures, installations, photographies et vidéos là où ces travaux plastiques nourrissent son écriture.
Le livre garde le vivant et la flamme de la création. Parfois, écrire d’être ou de ne pas être n’est pas sans souci de savoir qui est une telle femme. Ses bribes poétiques deviennent comme des cailloux qu’elle sert dans sa main pour les jeter au loin afin de se sentir exister et faire poésie de vivre à travers voyages nombreux et expériences. Preuve que l’auteure-artiste écrit son journal auprès de son corps dans le battement de ses veines et sa respiration.

C’est aussi comme si un tel poème porté avec son amour n’est jamais achevé et a commencé nulle part. Surgissent des fenêtres sur le jour parfois obscur, sur le silence ou le brouhaha des battements du monde. De tels poèmes ouvrent les temps par le souffle. Cet ensemble est aussi la joie d’un accomplissement de la vie toute entière dans l’instant présent et dans le parti pris des êtres, des choses, des lieux.

Ces textes deviennent des questions et des réponses, parfois l’éclat d’une source dérobée par les mots eux aussi mis à nu et offert à l’écoute, la lecture. Andrée Philippot-Mathieu ne se replie pas dans des miroirs mais cherche son visage en l’obscurité où elle esquisse une sourire rarement insaisissable. L’enjeu du journal et de ses mots est celui de son désir de créer et d’exister .

Ici, le langage se veut à ce propos une forme de légèreté grave face au métier de vivre. Ouvrant l’art, le monde, la vie une telle auteure impose dans ses carnets ce qui vient à elle sur chaque page. D’où son moi profond, ses gestes accomplis et le chemin de sa vie posé sur un cahier faces aux collines muettes, aux rues où le regard s’enivre.
Ce qu’elle n’avait pas toujours entendu venir, l’auteure en a été touchée et ses mots sont devenus en noires griffures le dépliement de secrets. Ils  s’ouvrent seuils après seuils : le livre en est la somme.

jean-paul gavard-perret,

Andrée Philippot-Mathieu, Traverser la vie – Journal poétique, 1976-2016, L’Harmattan, coll. Graveurs de Mémoire, Paris, 2024, 438 p. – 40,00 €.

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