Est-ce pour cause de crise de vie du milieu de vie ou pour des raisons plus profondes ? Marie-Laure Dagoit semble provisoirement inconsolable de son état dans les lieux d’écriture et de pensée : « Je me rends compte que j’ai perdu mon écriture mon style mes pensées pornographiques. Je ne sais plus dire ce que je veux. J’ai mon érotisme noir en horreur, je veux du solaire mais je crois me connaître mais ne sais rien ». Néanmoins, ce point de vue provisoire d’un sacré coup de blues permet au discours de se poursuivre en un état de latence et d’introspection.
La narration non d’un parti-pris mais de celle qui est prise à partie par son existence sent le souffle de la décadence planer sur ses amours existentiels et esthétiques. Existe même « la délie » de la sexualité. Mais l’affirmer tient moins d’une magie en partance que d’une manière d’espérer une nouvelle jouvence.
Marie-Laure Dagoit aime à jouer de ces séductrices qui finirent dans les ordres. Le mal semble fait : « Avant, j’écrivais mes visions, maintenant j’en suis réduite à plagier des chants religieux ». Mais ce faisant, la créatrice franchit en lieu et place de l’Achéron « un fleuve noir et fétide, grouillant de démons ».
Or, tant qu’il y a des démons la bonne vie demeure. Certes, des disparitions peuvent laisser sans voix parmi les voix. Néanmoins, écrire ne fait pas apparaître que le rien. La créatrice peut espérer que le corps sera une idée plus étonnante que celle de l’âme. Elle a en elle une fontaine de jouvence plus puissante que celle qu’accordent l’Abbé Souris, l’Elixir du Suédois ou celui de la Chartreuse. Souvenons-nous de Beckett : « Quelque chose suit son cours ».
jean-paul gavard-perret
Marie-Laure Dagoit & Rohan Graeffly, Mes doigts sont gourds,Litterature Mineure édition, Rouen, 2017.