La guerre n’a pas un visage de femme (Svetlana Alexievitch /Julie Deliquet)
Le front des souvenirs
Nous sommes situés dans un appartement au confort rudimentaire – censé caractériser le mobilier des années 1970 dans un pays communiste – encombré par toutes les traces de la vie quotidienne. Neuf femmes matures siègent face au public, le considérant, impassibles, pendant qu’il s’installe. Le spectacle commence lorsqu’une journaliste s’adresse à l’assistance comme si elle faisait une annonce : elle présente spontanément son travail, qui consiste à consigner des témoignages de personnes qui, dans la féminité de leur jeunesse ou de leur récente maternité, ont participé à la Seconde Guerre mondiale aux côtés de l’armée rouge pour combattre l’envahisseur nazi.
Le propos est présenté dans l’aléa de son élaboration. On commence par la première rencontre d’un groupe, on assiste à la difficulté de la prise de parole. Ces femmes parlent de leur engagement, de leur participation aux combats, puis le discours collectif se construit peu à peu comme critique. Chacune prend la parole à la suite des autres ; le début de l’échange est souvent marqué par un enchevêtrement de répliques, qui se chevauchent quelques instants.
Le procédé est répétitif, mais la rédactrice pose des questions qui relancent les débats. Se constitue un ensemble d’interventions qui se conjuguent, allant crescendo, comme un concert qui laisse dominer successivement chacun des instruments. Les narrations s’avèrent de plus en plus difficiles, ce qui est relaté apparaît de plus en plus horrible, de plus en plus insupportable. L’autrice pose la question de la valeur de la victoire, des illusions de la satisfaction ; il apparaît pourtant difficile, même vingt-cinq ans après, de se départir de la combattivité. Les intervenantes racontent dans de beaux moments aux accents poétiques ce qui les a réconfortées, ce qui leur a permis de tenir : le tabac, les animaux, le chant, la poésie. Elles disent aussi le silence et même la culpabilité, voire la honte, qui leur ont été imposé(e)s après la guerre, ne leur laissant que la possibilité de refouler ou de ne cesser de revivre leur traumatisme.
Le spectacle est cohérent, fidèle à l’ouvrage de Svetlana Alexievitch, mais il demeure peu inventif, perché dans un décor peu utilisé, restant tributaire de la valeur de la littérature-témoignage, ne donnant pas de dimension proprement scénique au texte qui semble être considéré comme se suffisant à lui-même.
christophe giolito
La guerre n’a pas un visage de femme
d’après Svetlana Alexievitch
mise en scène Julie Deliquet
Traduction Galia Ackerman, Paul Lequesne ; version scénique Julie André, Julie Deliquet, Florence Seyvos ; collaboration artistique Pascale Fournier, Annabelle Simon ; scénographie Julie Deliquet, Zoé Pautet ; lumière Vyara Stefanova ; costumes Julie Scobeltzine ; régie générale Pascal Gallepe ; construction du décor Atelier du Théâtre Gérard Philipe ; réalisation des costumes Marion Duvinage ;
régie plateau Bertrand Sombsthay ; régie lumière Sharron Printz ; régie son Vincent Langlais ; accessoiriste Élise Vasseur ; habillage Nelly Geyres.
Le texte est publié dans son intégralité aux éditions Presses de la Renaissance (2004), J’ai lu (2015) et Actes Sud (2015).
Production Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis.
Coproduction Cité Européenne du théâtre – Domaine d’O, Montpellier ; Comédie – CDN de Reims ; Nouveau Théâtre de Besançon – CDN ; La Comédie de Béthune – CDN Hauts-de-France ; Théâtre National de Nice – CDN ; L’Archipel – scène nationale de Perpignan ; Équinoxe – scène nationale de Châteauroux ; Célestins, Théâtre de Lyon ; La Rose des Vents – scène nationale Lille Métropole-Villeneuve d’Ascq ; l’EMC91 – Saint-Michel-sur-Orge ; Le Cercle des partenaires du TGP.
Avec le soutien du dispositif d’insertion professionnelle de l’ENSATT ; de l’Onda pour l’audiodescription.
Tournée
→ Du 30 mai au 1er juin 2025, Festival Le Printemps des Comédiens – Cité Européenne du théâtre -Domaine d’O, Montpellier
→ Du 24 septembre au 19 octobre 2025, Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis, du lundi au vendredi à 19h30, samedi à 17h, dimanche à 15h.
→ Les 8 et 9 janvier 2026, Théâtre National de Nice, centre dramatique national Nice Côte d’Azur
→ Les 14 et 15 janvier 2026, MC2: Maison de la Culture de Grenoble, scène nationale
→ Du 21 au 31 janvier 2026, Les Célestins, Théâtre de Lyon
→ Les 4 et 5 février 2026, La Comédie de Saint-Étienne, centre dramatique national
→ Les 10 et 11 février 2026, Théâtre de Lorient, centre dramatique national
→ Du 18 au 20 février 2026, Comédie de Genève
→ Les 25 et 26 février 2026, Malraux, scène nationale Chambéry Savoie, Chambéry
→ Du 3 au 7 mars 2026, Théâtre Dijon Bourgogne, centre dramatique national, Dijon
→ Les 11 et 12 mars 2026, Comédie de Caen, centre dramatique national de Normandie
→ Les 18 et 19 mars 2026, Le Grand R, scène nationale, La Roche-sur-Yon
→ Le 27 mars 2026, L’Archipel, scène nationale, Perpignan
→ Du 31 mars au 3 avril 2026, ThéâtredelaCité, centre dramatique national de Toulouse Occitanie
→ Du 8 au 10 avril 2026, Comédie de Reims, centre dramatique national
→ Le 14 avril 2026, La Ferme du Buisson, scène nationale, Noisiel
→ Le 17 avril 2026, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge
→ Du 22 au 24 avril 2026, Nouveau Théâtre de Besançon, centre dramatique national
→ Les 28 et 29 avril 2026, La rose des vents, scène nationale, Lille Métropole Villeneuve d’Ascq
→ Le 5 mai 2026, Équinoxe, scène nationale, Châteauroux.