Robert de Laroche, La gondole des ténèbres
Quand la peur s’installe sur la lagune
Avec cette nouvelle aventure du comte Flavio Foscarini, Robert de Laroche tisse une enquête historique et fantastique au cœur du carnaval vénitien. Il entrelace mystère et poésie dans les brumes de la lagune.
En ce début d’année 1742 le carnaval bat son plein. La ville s’abandonne à la fête et aux masques, ayant acquise la réputation d’être : « Le plus grand bordel d’Europe. » C’est pendant un bal donné en son palais par la nobildonna Chiara Pisani Moretta qu’une jeune fille disparaît. C’est ce que raconte, affolé, son sigisbée. Elle a suivi un homme en noir, est montée sur une gondole conduite par un individu au visage de spectre. Depuis, elle n’a pas réapparu. D’autres disparitions suivent, toutes liées à cette mystérieuse embarcation que les Vénitiens commencent à appeler la gondole des ténèbres.
Flavio Foscarini, qui était sur les lieux lors de la première disparition, se retrouve au cœur d’une affaire qui suscite très vite une peur collective et l’émergence de toutes sortes de dérives…
On retrouve Flavio Foscarini. C’est un homme de lettres et un homme d’action qui connaît parfaitement Venise et ses secrets. Il se mue en enquêteur érudit et intuitif, secondé par son épouse, Assin-Anna, dont il est très épris. Elle est d’origine Syrienne. D’autres figures marquantes gravitent comme des personnages historiques tels que Giambattista Tiepolo, ce peintre et graveur maîtrisant à merveille la science des coloris et un sens peu commun du clair-obscur. On rencontre aussi Sir Francis Dashwood, un homme d’État britannique célèbre pour avoir fait renaître le Hellefest club, un lieu d’orgies sataniques. De nombreux membres de la noblesse vénitienne, des prêtres, des gondoliers, et des personnages plus ambigus, comme le mystérieux ravisseur et son inquiétant gondolier participent plus ou moins à faire vivre l’intrigue. Chacun semble porter un masque, au sens propre comme au figuré.
Dans ce roman, l’auteur met en scène ces superstitions qui naissent d’une peur collective, nourries par les légendes urbaines et les apparitions spectrales. Il montre le difficile chemin vers une vérité dans une société où seule compte l’apparence. Il nourrit son intrigue avec des événements anciens qui resurgissent dans l’enquête.
Venise est un personnage à part entière. Robert de Laroche plonge ses lecteurs dans les ruelles étroites, les palais baroques, les églises silencieuses et les canaux brumeux. Le carnaval, avec ses masques et ses fastes, contraste avec les scènes nocturnes où la peur s’installe. L’auteur restitue avec précision et passion les ambiances de la ville, entre beauté et menace.
La Gondole des ténèbres est un roman noir historique qui mêle enquête, atmosphère gothique et poésie vénitienne. Robert de Laroche y déploie une écriture élégante et sensuelle, au service d’un récit haletant et mystérieux.
serge perraud
Robert de Laroche, La gondole des ténèbres, Folio n°1022, coll. Policier, octobre 2025, 384 p. – 10,00 €.