Nos rapports sociaux au prisme du porno

© Christophe Raynaud de Lage 

Au brouhaha de la salle, se mêlent des bruits de manifestation. Lorsqu’apparaît la comédienne, c’est pour s’emparer d’un texte manifeste, qui dénonce la violence imposée aux corps des femmes par la sexualité et au-delà par la sexualisation probablement croissante des comportements. 
Le propos est intéressant par sa radicalité : refuser le commerce hétérosexuel, c’est tenter d’échapper à la domination masculine, au patriarcat, à la compétition des femmes pour la séduction, prémisse de la soumission. C’est d’abord l’industrie du porno qui est condamnée, en ce qu’elle orchestre la servitude volontaire du féminin, en ce qu’elle irrigue avec une étonnante efficacité l’ensemble de la société. Nos pratiques sexuelles sont révélées dans leur nature d’échange inéquitable, faisant des faveurs accordées par les femmes aux hommes le prix de leur illusoire attachement. Le libéralisme ne peut-il entre les êtres qu’engendrer des rapports de propriété ? 

La scène est striée de panneaux qui lacèrent les images projetées sur la scène : consultation chez le gynécologue, manifestations féministes, rituels de maquillage, chirurgie esthétique. Le féminin apparaît dégradé, inséminé, colonisé, chosifié ; ainsi la simulation de la jouissance par les femmes apparaît-elle comme l’acceptation d’une condition d’emprunt, irrespectueuse de leur propre nature. 
Le témoignage est bien porté par Anna Mouglalis ; le ton est tantôt dramatique, tantôt comique. Le spectacle est efficace, mais la projection vidéo apparaît comme un rituel d’amplification qui prend trop de place. Lorsque les images sont violentes et que le film est bref, l’effet de choc est réussi. Mais lorsque la projection dure, le propos s’essouffle et dévalorise sans doute l’interprétation au plateau. 

christophe giolito

La chair est triste, hélas 

Écrit, adapté et mis en scène par Ovidie

Avec Anna Mouglalis 

Collaboratrice à la mise en scène Marie Fortuit ; musique & Bande sonore Geoffroy Delacroix ; montage Barbara Bascou ; création lumière Robin Laporte ; scénographie Grégoire Faucheux ; costumes Jenn Pocobene ; production Théâtre de l‘Atelier.  

Au théâtre de l’Atelier, 1, place Charles Dullin 75018 Paris 

Tél. 01 46 06 49 24 billetterie@theatre-atelier.com durée 1h10 

Du 9 septembre au 25 octobre 2025, du mardi au samedi à 21h, relâches les 26 et 27, 28 septembre & le 14 octobre, les dimanches 21 septembre et 5 octobre à 17h.  

Les 28 et 29 novembre au Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon.