Diane Chateau Alaberdina, La photographe
Lud – l’héroïne et photographe – a grandi dans l’admiration d’Agafonova, écrivaine autour de laquelle gravitait toute la diaspora slave de l’Archipel Café, et de sa fille Taisiya. Lorsque les deux jeunes femmes se retrouvent à l’âge adulte et que Taisiya devient son modèle, un jeu ambigu se met en place entre elles.
A l’image du modèle se mêle celui de sa mère : « Elle était grande. Elle donnait cette impression d’être étirée, son visage majestueusement ancré sur son cou ». La photographe est soudain entraînée vers une sorte de mania : « j’ai eu envie de prendre sa place. De savoir ce que cela faisait d’être une autre femme, avec cette voix monotone et ces yeux d’une incomparable tristesse. »
Tout, pourtant, semble reprendre place. Mais un étrange ménage à trois se met implicitement en place : il y a les deux femmes qui se font face mais aussi l’ombre de l’écrivaine dont l’allure se mêle à celle de sa fille.
Et tout se passe alors comme si la beauté de certains oiseaux n’était visible que depuis une cage. Le temps qui a passé n’est même plus une excuse et les trois femmes vivent sans qu’elles le sachent sous un même ciel. Si bien que la vérité de l’amour devient dans ce roman une collection de choses incroyables.
La persévérance est pour la photographe l’échelle atteignant le ciel même si, une fois atteint, il semble fait de poussière et d’égarements. Mais c’est alors un mal nécessaire, un pont de pierre que les amantes franchissent fortes de ce qu’elles ont dans le coeur et le corps lorsque le désir les traverse.
Preuve que, parfois, pour mieux voir et photographier, il faut fermer les yeux.
jean-paul gavard-perret
Diane Chateau Alaberdina, La photographe, Gallimard, collection Blanche, Paris, 2019.