Cécile Mainard/i, Le degré rose de l’écriture

Cécile Mainard/i, Le degré rose de l’écriture

Lady dit

Les dits de Cécile Mainard/I se veulent imparables afin d’atteindre la sommité du langage mais selon un processus particulier. Ces dit se veulent (fidèles à la collection où ce livre s’inscrit) épidictiques. Ils demandent implicitement la prosternation au voyeur qui les écoute sans se soucier de réalisme ou de vérité. Aux spectateurs de ses performances « c’est le mot tout haut qu’il importe de faire ingurgiter, et d’ensevelir dans leur corps. Faire disparaître le corps du lu dans le corps du lecteur, des lecteurs, du commun des lecteurs » dit l’auteure . Elle rêve de donner et mettre la vie des mots chez ce lecteur auquel l’auteure s’adresse comme le fit Baudelaire.
La comparaison s’arrête là. Aux fleurs du mal, Cécile Mainard/i préfère les roses. Le tout dans des rappels qui vont de Chis Burden à Céline Minard, de Patty Bravo à Pinocchio, du Quichotte, de Ben à Mona Lisa et bien d’autres. Tout est très habile, savant, labyrinthique, mais l’auteure dans la variation des pronoms énonciatifs rappelle qu’elle « n’a jamais rien fait d’autre dans ses précédents ouvrages que de mettre en œuvre des intentions artistiques et de se tenir au bord d’œuvres ». Et ce, afin de réaliser Le livre ou « l’impérieuse matrice » dont elle sort par cet effeuillé rose.

Il y à la sans doute dans cette affirmation à prendre et à laisser, à boire et à manger mais l’ensemble reste le récit de performances réalisées par Cécile Mainard(/i) et il aboutit à une œuvre « plastique non encore réalisée, mais que le jaillissement d’une parole enthousiaste fait exister sur le plan de la réalité parlée ». Le tout en ce qui tient d’une approche conceptuelle, colorée, auditive et en des juxtapositions d’esquisses où les mots fondent « dans ce son qui fuit » des phrases « impalpables par endroits, qui semblent se dissoudre dans ma bouche, et dans laquelle toute intention claire et tangible disparaît. » précise la poétesse.

Elle refuse néanmoins toute emprise de l’ego : « je me vide de toute intention personnelle » écrit celle qui se dit « abandonnée à la grâce divine qui infuse dans le sens des mots. » Pour elle, la langue démontre avoir plus d’imagination que l’auteure elle-même et la pousse à opter pour une poésie sonore, action, diction. Si bien que par ses performances Cécile Mainard/i atteint ce rose de l’écriture dont la couleur fait d’elle moins un « poème » qu’une œuvre d’art.

L’objectif est de passer de Mainard/i à Mainard par ce qu’elle dit avec plus ou moins de mignardises. Manière de devenir poète sans vraiment écrire en s’insérant dans un actionnisme littéraire. Ajoutons que le trajet de ces « dits » délimite un territoire inédit. Personne n’oserait y remuer en dehors d’une telle poétesse : une trappe l’aspirerait. Mais pour Cécile les mots coulissent et se répartissent sur la profondeur d’une scène dérobée.
L’intensité de l’attente des spectateurs lecteurs fait le reste : ils éprouvent des sensations qu’ailleurs ils auraient jugées inopinées, saugrenues, déplacées.

jean-paul gavard-perret

Cécile Mainard/i,  Le degré rose de l’écriture, Collection ekphrasis, 2018, 56 p. – 7,00 €.

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