Julia Wolf, Tout est maintenant – Rentrée 2018
Julia Wolf est un des grands espoirs de la littérature allemande contemporaine. Son héroïne, Ingrid, « la femme vert menthe », fermente dans une sorte de survie entre Berlin et New-York et entre un appartement sordide qu’elle partage avec son frère et un sex-club où elle travaille comme serveuse.
Un retour vers sa mère détestable et alcoolique et dans sa maison de jadis l’entraîne vers une reprise en main qui transforme la fiction en un roman d’apprentissage dans les ultimes crépuscules du XXème siècle. Peu à peu, entre ironie sans concession mais aussi poésie, une lente remontée prend forme en montrant que la résurrection est moins cosa mentale qu’affaire de chair et d’instinct. L’héroïne fait petit à petit le lien entre son passé et le présent pour découvrir le secret de son empêchement et de sa destruction.
Tout est maintenant reprend l’existence à sa source dans la nécessité de se sauver de certains zombies en se levant contre leur « loi » ou les censures qui jusque là ont entraîné Ingrid vers de faux « re-pères » et dans la volonté de d’abord se faire mal jusqu’à l’épuisement afin de remonter une pente existentielle.
Quoique le sujet soit souvent dramatique, la fiction devient une manière, pour l’héroïne, de se relire pour se délier de ses nœuds et de devenir une femme libre. Le récit éclabousse de ses images : Ingrid s’y redresse et se bat au sein de brasiers. Mais il prouve qu’une telle héroïne ne meurt jamais : elle était morte avant. Désormais, elle terrasse le serpent, n’attache pas à Eve une quelconque faute et arpente à nouveau le monde.
Julia Wolf montre comment s’éloigner de ce qui cloue une femme même si la narration ramène à un trou de « folie ». Néanmoins, à mesure qu’elle avance, Ingrid s’en éloigne. Surgit une sensation non de dérive mais de résurgence. Et si le récit semble n’affirmer rien, des échardes se desserrent.
La nuit remue. C’est le moyen d’exister avec une sensation de brûlure inguérissable mais aussi une pluie d’étoiles au milieu de l’ombre.
jean-paul gavard-perret
Julia Wolf, Tout est maintenant, traduit de l’allemand par Sarah Raquillet, Castor Astral, 2018, 160 p. – 17,00 €.