Les deux livres que publient Pichon à la fois se font écho et se complètent selon deux “genres” différents. C’est néanmoins, sinon la même langue, du moins le même pari qui se joue.
Dans les deux cas, il s’agit d’éclairer l’être en touchant à ses ombres.
Par ses poèmes, l’auteur le pratique en un retour au lyrisme, là où une absence oriente et nourrit l’écriture : y est évoqué ce qui fut perdu, à la fois “le passé humain qui est aussi l’origine et l’enfance qui n’en finit pas de nous quitter nous laissent de plus en plus errant dans notre vie d’adulte.“
Alternent les ténèbres de la grande nuit du temps et la flamme de vie encore indécise mais le poète voyageur des éthers y marche jusqu’à l’épuisement.
A ce titre, Pierre Lepère est le double de l’auteur car dans ses livres aussi il est question de l’enfance, “celle que l’on peut retrouver par un certain cheminement intérieur : éternelle, immuable, vaine”, écrit Philippe Pichon. Mais il existe chez lui l’attente des femmes dont, écrit-il en substance, il ne leur a jamais demander l’origine ou plutôt ce qui l’aimante chez elles.
Même s’il devine que pour lui une attente amoureuse demeure infiniment ouverte, que “rien ne saura jamais la remplir.”
Néanmoins, Philippe Pichon refuse que nous restions à nous lamenter sur ce qui n’est plus. Il s’agit de chercher la lumière dans une vision plus ou moins christique. Il pressent que, quelque part au fond de cette obscurité, une clarté palpite. Encore faut-il savoir la trouver. D’où cette double quête à travers l’intimité du poète avec l’appui de Lepère.
Car si nous sommes condamnés au visible, la poésie est là pour apprendre à voir plus loin. A ce titre le poète, le vrai, est toujours veilleur de feu.
jean-paul gavard-perret
Philippe Pichon, Cieux défunts, ciels défaits– fragments & verse, et Un ami de haut bord, Editions Douro, coll. Bleu Turquin, Paris, 2023, 176 p. et 152 p.