Gérard Macé, Des livres mouillés par la mer — Pensées simples III

Périples

Gérard Macé déve­loppe en ses « pen­sées simples » un genre par­ti­cu­lier qu’il a défini dans le deuxième ouvrage de cette série (« La carte de l’empire) comme « proche de l’essai, de la diva­ga­tion qui ne néglige rien du réel, sans croire qu’on peut l’imiter». Le terme « pen­sées simples » pour­rait lais­ser croire à une pré­sence de l’aphorisme : or il n’en est rien. Mais, et à l’inverse, on en est bien loin de la simple rodo­mon­tade phi­lo­so­phique.
Macé se fait conteur, pro­me­neur sur des rives exo­tiques. Il les connaît par ses voyages et son éru­di­tion sans pour autant offrir à son lec­teur des textes étouffe-chrétien. Tout est lim­pide, « va l’amble » comme aurait dit Mon­taigne dont l’auteur est un héri­tier consé­quent. Comme lui, il tra­verse les âges dans une fan­tai­sie. Et sa fatra­sie n’est qu’apparente. Tout est modi­fié en récits, his­toires, rami­fi­ca­tions, échos et tra­ver­sées où se mêlent aussi confi­dences et média­tions. Preuve que l’auteur est com­pa­rable à cet « homme qu’on aimait dans son vil­lage parce qu’il raconte des histoires. »

L’ima­gi­na­tion chez Macé n’est jamais mori­bonde. Elle remue le réel, éduque (au besoin) et ouvre au rêve. Elle contra­rie l’espace qu’elle habite, se contor­sionne, échappe, s’échappe. Elle se dis­si­mule en par­tie. La forme choi­sie par l’auteur per­met de ne pas révé­ler la tota­lité de son entité. Par cette acro­ba­tie,  l’écrivain sug­gère une part de sa propre dis­pa­ri­tion, une part de manque. Le mor­cel­le­ment per­met en outre de faire des mises au point sur des zones sou­hai­tées afin de mettre en valeur ce qui s’y passe.
Macé  révèle dans un moment donné ce que son corps autant que l’intellect racontent. A la manière d’un archéo­logue,  il accu­mule des traces de vie d’un pré­sent tombé tout juste dans le passé, ras­semble diverses sen­sa­tions, res­sen­tis, preuves du vivant. Le livre devient un ter­rain foi­son­nant et empi­rique. Cela per­met d’évoquer l’être humain et le monde dans une tem­po­ra­lité et une géo­gra­phie en exten­sion en lais­sant sou­vent la part belle à l’anomalie, à la fra­gi­lité mais jamais à la maladresse.

jean-paul gavard-perret

Gérard Macé, Des livres mouillés par la mer — Pen­sées simples III, Gal­li­mard, coll. Blanche, Paris, 2016.

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