Heures thé

(Qu’est-ce qu’un poète ?)

Eten­dards de leurs doutes, les poètes ache­vés dérai­sonnent tels des ani­maux. Ils s’offrent une liberté à laquelle nuls autres qu’eux ne peuvent pré­tendre qu’un vol imploré d’oiseaux dans le soleil. Emplu­més, ces élus rêvent au pri­vi­lège du rare — mais entre-temps.
Une table, un vin frais, les pages blanches d’un petit car­net : ils demeurent des heures à contem­pler un arbre. C’est tout de même peu. L’écriture, la vraie ce sera pour plus tard ou ce sera pour jamais. L’arbre leur sur­vi­vra : leur écri­ture est sans impor­tance, d’aucun secours.

C’est à savoir qui mange qui – Homère com­pris : les Les­try­gons can­ni­bales lui ont bouffé le foie, puis il s’est ren­dormi et a filé en continu. Sa cha­rogne n’est même pas allée jusqu’au sépulcre tant il a été vivace plus que désa­busé ! Bref, tout poète écrit des errances et des fuites.
Nous finis­sons par nous las­ser en avan­çant comme des lom­brics. C’est un labeur de for­çat sur le vide que sacre – soi-disant — une musique d’envoûtement là où le vécu de l’auteur n’est même pas une autobiographie.

L’exis­tence n’est pas de la poé­sie : la lit­té­ra­ture en reste le garage désaf­fecté. Y trône sur une table de cui­sine une femme en nui­sette. Mor­due, elle pousse un petit cri là où tout est permis.

jean-paul gavard-perret

photo de Bette Davis

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