Retrouver le niveau terrestre
Toute la poésie de Jean Dif joue sur le clavier des cinq sens. Il s’agit de nous ramener à notre condition de bipède pour marcher en tant que femme et homme.
Bref, “avant de finir sa vie dans un fauteuil roulant”, une manière de rendre “le timon à nos sens”.
Le goût, l’odorat, le toucher, la vue, le son permettent la pluie des gourmandises qui efface les chagrins. Preuve que les sens “pensent” et nous permettent de distinguer en quelque sorte le jour de la nuit.
Ce sont nos phares. Et dans Le chalumeau du jardinier, Jean Dif fait le tour des beauté horticoles avec délectations. Par exemple, le cornichon “adolescent boutonneux, cache sa virilité sous l’auvent de larges feuilles”, et l’aubergine “sous la dégaine d’un oeuf ou d’une matraque” n’est là ni pour l’omelette ni pour la violence. Cette “andouille végétale” à “âme d’éponge” reste pour le jardinier ce qui le paie de sa peine.
C’est là une manière de s’affranchir des poésies évanescentes, de celles qui ne parlent que du ciel. Retrouver le niveau terrestre instaure une dynamique militante à ce qui est enraciné au fond de nous mêmes par l’intercession qui nous donne non seulement vie mais plaisirs et devient aussi chez Dif le “puisard de l’imagination”.
jean-paul gavard-perret
Jean Dif,
- Le chalumeau du jardinier, Edilivre, Paris, 2021, 56 p. — 15,00 €.,
- Dans l’ambre du temps, Encres Vives, Colomiers, 2020 — 6,50 €.