Il arrive que les secrets ni se secrètent ni n’induisent que des supputations. Ils se peut qu’ils suppurent, c’est pourquoi les cacher sous des grumeaux de peinture ne suffit pas. De la peau suinte un sale air de la peur.
Angèle Casanova ne fait à ce titre pas forcément dans l’angélique. Et les secrets moutonnent plus coté cauchemar que rêve. Le premier soulève l’auteure. Il est vrai aussi légère sinon qu’une plume — avec ces 41 grammes d’âme — du moins qu’un colibri. Toutefois, ses secrets la plombent et écrire devient pour elle un moyen d’exprimer, en des suites de tableaux parisiens, ce qui ravit Cauda mais pour une fois de manière noire.
Le Killer aime les histoires de poupées brisées. Qu’elles soient vraies ou fausses, de porcelaine ou port de laine, gigognes ou girondes ne lui importe pas. Mais, toutefois ici, ses dessins se font bien plus sombres et moins lestes que parfois : la voie n’est pas rose à qui traîne sur des secrétaires ou des tapis que la vie perce.
En quelques thématiques clés (peinture, secret, poupée, porte, dentifrice, …) surgissent, sans appuyer, des presque rien qui font un tout. Mais Angèle Casanova n’est pas de celles qui se lamentent et ses histoires de fantômes — plutôt que de faire le tri sélectif des choses qui pourraient la blesser — rêvent de créer des bêtes à deux dos que Cauda se serait fait un malin plaisir de dessiner.
Mai,s sans qu’une porte — comme une bouche - soit forcément ouverte ou fermée, “ça suit son cours” comme disait un héros de Beckett là où — dans un univers à la Lang (Fritz pas Jack), et comme Cauda le rappelle, tout s’arrime entre une angoisse et un sentiment d’existence sur lequel il n’est pas facile de mettre un nom mais qui constitue le charme profond du livre.
L’héroïne peut y crier pour nous, les mutiques, afin que nous puissions gueuler avec les autres. Sans doute parce qu’elle est plus vivante que nous. Elle creuse, creuse comme jadis Forrest Gump courait. Et de la terre matrice et caverne jailliront peut être un peu moins les monstres et leur rouge sang.
Pour autant, le chemin reste long. C’est beau et envoûtant.
jean-paul gavard-perret
Angèle Casanova & Jacques Cauda, Terre creuse, Z4 éditions, 2020, 110 p. — 14,00 €.