Maxime H. Pascal, L’usage de l’imparfait

Addic­tions et apo­ries de Maxime H. Pascal

De sa chambre, comme un De Maistre, Maxime H. Pas­cal fait sur­gir l’ombre (sur­tout) et la mince lumière du monde dans une étran­geté magique. Le lan­gage ose non des rac­cour­cis mais des cas­sures per­cep­tibles afin que reste sub­ti­le­ment visible le montré/caché. A l’imaginaire d’imaginer encore les mots qui “manquent”.
Mais le poète laisse des indices dont nous avons besoin dans ce qui devient un récit et un dia­logue au coeur de la chair et des élé­ments tel­lu­riques là où tout prend l’eau (ou ce qui en demeure).  Le monde se défait là où “feule déjà une syl­labe ter­mi­nale” (ou presque) sous l’égide de trois soeurs et déesses infer­nales Alecto, Mégai­ron, Tisiphoné.

Le deve­nir humain dans ce poème-monde coha­bite avec ces femmes dan­ge­reuses comme avec les ani­maux : des félins aux her­mines, de l’araignée rouge aux pois­sons élec­triques. Les trois Soeurs en leurs grâces acides accom­pagnent le monde en sa débâcle engen­drée par ce que nous avons fait de la Terre et de l’océan.
Plus ques­tion de comp­ter sur leur clé­mence. Les jeux sont faits.

Reste le futur anté­rieur qui revient à ce que nous avons entre­tenu comme impar­fait. L’immense poème devient le chant des dis­pa­ri­tions mas­sives, des déserts créés par nos chi­mies rotu­rières là où le libé­ra­lisme et la bureau­cra­tie se sont donné la main. Maxime H. Pass­cal ne nous exo­nère en rien de nos simu­lacres auto­ma­tiques, de nos pro­cé­dures de fai­blesses, des pro­gram­ma­tions qui n’eurent pas besoin de nous puisque nous les avons lais­sés faire.
Il nous ramène aux der­niers bruis­se­ments de la terre, de l’eau et de l’air au moment où “le fleuve Colo­rado n’arrive plus à la mer” : amputé d’embouchure, il ago­nise. Mais ailleurs ce n’est pas mieux. Voire pire. Fuku­shima est rap­pelé dans cette aubade/débandade crépusculaire.

Le souffle est hale­tant pour évo­quer les colis fichés par les coli­fi­chets des verbes des pou­voirs sous léni­fiantes musiques “ambiantes” qui tentent de cou­vrir les bruits des péto­manes fré­né­tiques qui nous servent de gou­rous et sont les pro­prié­taires de nos clés. Les Muses res­te­ront envers nous impas­sibles face au jeu de mas­sacre dont le texte s’alimente. Il n’existe plus rien de fluide ou de pai­sible même si, à la fin, le poète espère.
D’un sou­pir, il vou­drait com­bler la frac­ture irré­duc­tible que nous avons créée. Le temps presse. Mais com­ment cal­feu­trer les portes, reprendre une place dans le tra­fic des espé­rances sans son­ger aux dis­pa­ri­tions orga­ni­sées par les intem­pé­rance d’un monde que l’on croyait humain ?
L’imparfait s’impose. Nous en fai­sons bon usage. Encore.

jean-paul gavard-perret

Maxime H. Pas­cal, L’usage de l’imparfait, Edi­tions Pleine Page, coll. “Cale­pins”, Bar­jos, 2019, 170 p. — 15,00 €.

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