Sans le claironner, Valentine Bonomo et Lucie Combes offrent un espace et une revue qui revivifient le concept même d’avant-garde. Ce qu’elles proposent d’un numéro à l’autre est un “bloc” d’écrivains et d’artistes, bref une famille certes disparate mais capable de secouer les idées ensommeillées. Chacun les zigouille, chacun est coriace parmi ce bouillon d’éclectisme là où la Belgique donne tout.
Exit les congratulations auto-soulagées et auto-louées en de vagues rogatons. Ici, les auteurs et artistes ne sont ni des néo-lyriques ni des raconteurs. Ils mettent les mains à la pâte, dedans et dehors, loin de ceux qui se voudraient académiciens décomplexés ou ignorants peu intéressés. Des talents émergent ainsi selon divers angles. Chacun renverse du régulier en des mouvement d’invention qui maintiennent des “changes”, comme l’écrit le philosophe Jean-Pierre Faye. Bref, ils osent l’élan en choisissant un mot clé pour chaque numéro (ici “bloc” en l’occurrence) pour analyser images, pensées, discours sous-jacents, comportements et nature.
Par exemple, Mathilde Schoenauer Sebag et Alexia Falisse font retour sur la justice et ses prestations là où la fiction permet non de cacher les états des lieux mais leurs « vérités ». Sont mises en exergue chez d’autres contributeurs (autrices et auteurs) d’autres tromperies et ce, jusqu’aux pierres, lichens et divers effets de mimétismes (comme Lucie Combes oet Léo Duquesnes ouvrent des veines).
Une telle revue devient une réserve exotique afin non seulement de faire un tour mais d’évaluer bien des poids d’impensés. Dès lors, la circulation médiatique d’une telle revue crée non des produits éditoriaux mais des bonds de langues excentriques.
Valentine Bonomo et Lucie Combes au cœur de ce dispositif, luttent pour la déréalisation du réel en supportant et osant des efforts de représentations. Il ne s’agit plus de ne parler la vie que dans des formes communément admises : chaque expérience est individuelle mais devient une exception contre la vaste fresque chromo qui fait écran entre le monde, ses fonds, ses discours et nous.
lire notre entretien avec l’auteure
jean-paul gavard-perret
Collectif, Papier Machine, n° 14, Bachibouzok ASBL et Ab Nov, juin 2024, 130 p. — 20,00 €.