Victor Pouchet, L’option légère
Selon Pouchet, ce roman-poème retrace l’odyssée d’une vie ordinaire, le temps d’un été. Un homme écrit à la femme qu’il aime dans l’espoir qu’elle revienne. Il déambule dans la Grande Ville, s’interroge, déménage, s’égare sur les écrans, prend un ferry, se baigne dans la rivière.
Néanmoins, la poésie devient ici la « part de la littérature » (Ch. Ptigent) là où le quotidien devient une aventure souvent chaotique. Certes, Pouchet par son écriture poétique prend la littérature pour objet. Au besoin, pour ajouter du « pensif » là où se partagent pathétique et des sauts grenus.
Parfois, il aime caresser « ses patois rhétoriques » pour ce qui est considéré comme de l’artifice. Il peut être considéré comme un délire dont la marque de fabrique serait une sidération. Avec humour et grâce, il tente de ranger le monde, sa vie, ses thématiques en écrivant 33 poèmes urbains, 13 poèmes d’amour, 12 poèmes corses, 10 poèmes révolutionnaires, plus quelques addendae de fête, de nuit, et de phosphorescence.
Néanmoins « l’option légère », croisant des cageots au soleil propose des mises en abyme. Sa cohérence défaite est capable de chosifier l’impossible, l’innommable voire toutes ses farces qui épousent sa vie.
Refusant de pratiquer les usages pragmatiques ou ornementaux du langage et se fendant des allures mystiques soporifiques et lyriques sans forcément appuyer sur des obscénités physiques, il estime sans doute de penser mal et impie.
Une telle « agnomie » est là pour branler la vérité stéréotypique. Elle tremble le flou des notions et des universaux. Même s’il y a fort à parier que des feux d’artifice échouent le plus souvent en pétards mouillés : la provocation se gonfle de feintes de déclarativité et de platitude.
Le poète fier de lui n’affiche en rien une prétention ridicule. Il invente ses exercices d’idioties pour cultiver le comique et la pulsion agressive. L’impuissance fait de lui un spectre, un polichinelle moins coloré que nu. Il fait face à ces fantômes : ceux qui brassent tout.
Artaud à ce titre serait presque un maître car il répond comme lui au non-tout. Mais la différence non logique de Pouchet est une habile et vivifiante plaisanterie.
jean-paul gavard-perret
Victor Pouchet, L’option légère, Gallimard, collection Blanche, 07-03-2024, 224 p. – 22,00 €.