Stefan Hertmans, Poétique du silence
Stefan Hertmans s’approche dans son essai des poètes du silence et rasure à leur sujet : « Il n’y a pas à s’apitoyer sur les poètes qui disent être confrontés à l’indicible : ils sont plongés en permanence dans leur travail. »
Même si, de Celan à Beckett et bien d’autres, ceux qui fraient avec l’innommable vont au bout d’eux-mêmes en cette recherche de l’antériorité des mots et jusqu’au cri qui les précède.
Le silence ne peut pas simplement se dire. L’auteur sait que ce chant du départ est bien plus hermétique que ce qui s’émettrait à l’origine au nom d’une source plus ou moins venue des cieux. C’est dans la profondeur de la chair que tout se joue. Certes, d’un poète à un autre, le sujet n’est pas le même – que l’on pense par exemple à Rimbaud et Blanchot.
Et le Belge estime cette quête plus intellectuelle dans la littérature française que dans l’allemande. Il y a en cette dernière et selon lui quelque chose de plus tragique (Sarah Kofman , Trakl ou Walser). Voire…
C’est oublier que, et quoique socialement moins déséquilibrés, de Beckett à Blanchot et du Bouchet, le corps aussi est un lieu de langue en francophonie. Et qu’à l’inverse d’une telle propension, Novarina a fait éclater le silence selon des stratégies apparemment antinomiques afin que l’innommable parle.
Cela n’enlève rien à la pertinence d’un ouvrage où béent des profondeurs cachées au moment où, l’être étant prisonnier de sa vie à l’envers, celle-ci finit par grincer.
jean-paul gavard-perret
Stefan Hertmans, Poétique du silence, trad. du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin, Gallimard, coll. Arcades, 2022 – 13,50€.