
Michèle Pedinielli, Un seul œil
Encore une surprenante enquête…
Michèle Pedinielli continue, avec sa redoutable verve, à conter les aventures policières de Ghjulia Boccanera – Diou -, la cinquantaine, dans la ville de Nice. Cette fois, elle propose un récit à deux voix, celle de son héroïne, bien sûr, et celle de Daniel Lehman, son colocataire depuis des années, que Diou considère comme son frère.
Or, celui-ci est dans le coma après un traumatisme crânien. Elle doit prévenir Gabriel, un homme que Dan a rencontré récemment. Or, il y a quelques jours, Elle et Dan ont reçu une lettre de menaces, si mal écrite qu’ils en ont ri. Cependant, quelques nuits plus tard, la galerie de Dan a été vandalisée, les œuvres exposées caillassées.
Joseph Santucci, l’ex-mari de Diou, commandant de police, veut l’aider mais elle doit lui dire tout ce qu’elle sait. Elle finit par se décider, révélant que Gabriel est un agent de renseignement territorial – les nouveaux RG. Il a demandé à Dan de surveiller des nouveaux venus sur le marché de l’art contemporain, soupçonnés de blanchiment d’argent. Et des nouveaux, il y en a, venus de pays en guerre.
Mais quand c’est Alexa, la compagne de Joseph, qui est assassinée sur le pas de la porte de leur appartement…
Mêlant avec une subtile adresse, au déroulement de son intrigue, une belle histoire très crédible dans la situation actuelle, la romancière multiplie les informations sur son environnement. Elle dénonce, par exemple, la transformation anarchique de la ville avec des chantiers gigantesques qui défigurent des points de vue, une harmonie créée au fil des siècles. Cet état n’est pas sans laisser évoquer des spéculations, voire des spoliations, immobilières. Mais elle dépeint aussi avec émotion des lieux emblématiques, des palaces, des petites places où la vie quotidienne de populations modestes peut s’épanouir. Elle rappelle des endroits où des gens devenus célèbres ont vécu. Elle donne, par le canal de sa pétulante héroïne, quelques portraits de personnalités locales, n’hésitant pas à lui faire tresser une couronne de ronces à un certain député capable de tout, mais surtout du pire.
Parallèlement, elle relate la vie de son héroïne dans son quotidien, dans ses rapports avec son entourage, les personnes qui font partie de son cercle rapproché. Elle ne tergiverse pas à faire état des malaises et incommodités physiques dues à l’âge d’une dame. Toutefois, elle n’hésite pas à mettre Diou en danger, en situation bien délicate. En mettant en scène la galerie de protagonistes qu’elle a construit au fil de ses romans, Michèle Pedinielli développe une intrigue des plus rouées mêlant nombre de facteurs temporels et intemporels. Le titre peut trouver au moins deux origines dans le fil du livre.
C’est à un récit vivant, au ton ironique même dans les moments les plus tragiques que traversent les personnages, presque d’auto-dérision, que convie l’auteure. Et c’est un régal de prendre son pas pour suivre l’héroïne dans son chaotique périple.
Michèle Pedinielli, Un seul œil, Éditions de l’aube, coll. « Aube Noire », janvier 2025, 288 p. – 18,90 €.