Entretien avec Elisabeth Brami : « un point d’interrogation à l’envers, n’est-ce pas un hameçon ? »

Entretien avec Elisabeth Brami : « un point d’interrogation à l’envers, n’est-ce pas un hameçon ? »

Elisabeth Brami est née à Varsovie, après la guerre. Elle arrive en France à l’âge de 18 mois. Elle est la fille unique du peintre Emanuel Proweller. Elle vit entre sa passion des images et de la littérature. D’abord psychologue-psychopédagogue dans un hôpital de jour pour adolescents, elle y créera une bibliothèque, des ateliers d’écriture et de photographie et une revue : « Lis tes ratures ». Elle a publié de nombreux livres pour enfants (De l’épistolaire au journal intime, des abécédaires, jeux de mots, comptines, aux collages et photos). Depuis 2006 et la parution de son premier roman (Je vous écris comme je vous aime, Calmann-Lévy), elle a fait une entrée remarquée dans la littérature dite générale.

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Un désir de vivre la journée fait de curiosité, de gratitude, d’espoir parfois illusoire, au pire: de sens du devoir

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont, en grande partie, par chance, devenus réalité. Ceux restés en l’état me font écrire. Autre façon de les réaliser.

A quoi avez-vous renoncé ?
A devenir archéologue. Mais d’être psychologue a compensé. Comme m’a dit un garçon de CP : “les deux, ils fouillent dans le passé pour ramener des trucs”

D’où venez-vous ?
D’un monde parti en fumée. De deux rescapés de la Shoah.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Ou plutôt en héritage : l’amour de la vie. L’amour de l’art. L’énergie du désespoir. Et aussi, l’oeuvre picturale de mon père Emanuel Proweller à transmettre.

Qu’avez vous dû « plaquer » pour votre travail ?
Rien.

Un petit plaisir – quotidien ou non ?
J’ai publié “les petits riens et petits délices”, c’est dire le “carpe diem” !..

Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Etre fille, épouse et mère d’artistes

Où travaillez vous et comment ?
Partout, n’importe quand, avec peu d’outils

Quelles musiques écoutez-vous en travaillant ?
Plus aucune. Le silence, les oiseaux

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’arrête pas de zigzaguer dans ma bibliothèque : Tchekhov, Proust, Duras, livres d’enfants

Quel film vous fait pleurer ?
La dame au petit chien et Mort à Venise.

Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Bêtement moi : c’est pas normal ? Le temps qui passe

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai toujours osé et parfois reçu des réponses

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Venise et autres villes littéraires avec port, mer et canaux

Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Les morts présents grâce à leur oeuvre. Les vivants qui créent et que je côtoie

Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je n’ai pas de réponse car je ne me pose jamais cette question fort embarrassante

Que défendez-vous ?
L’enfance bafouée. La parole vive de ceux qui ne sont plus, de ceux que notre époque trahit.

Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Moins lacanienne et laconique que lui, je propose: “La passion, c’est donner quelque chose qu’on ignorait posséder à quelqu’un qui finira peut-être par l’accepter”

Enfin que pensez vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Même si, pour moi, la réponse est souvent un non rageur, c’est toujours la question qui prime, c’est elle qui donne toute sa valeur à la quête. Un point d’interrogation à l’envers, n’est-ce pas un hameçon ?

Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard perret pour lelitteraire.com en mai 2013.

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