Diego Agrimbau & Gabriel Ippóliti, Bienvenue à Pandemonia
Les Enfers comme vous ne les avez jamais vus
Ismael Posta est un gourou en développement personnel. Il vient de terminer, avec le même succès, une nouvelle conférence. Avec les invités VIP, il répète son mantra quand une olive l’étouffe. Il s’effondre. Il reprend conscience dans un train au moment où le contrôleur lui demande son billet. Surpris d’être là, il trouve celui-ci dans sa veste. Regardant ce billet il comprend qu’il est en route pour Pandemonia, la capitale des Enfers. Persuadé d’une erreur, il réclame. Le contrôleur lui donne les coordonnées du tribunal d’appel.
Sur place, ce bon samaritain se voit rappeler les nombreuses escroqueries de sa jeunesse. De plus, la liste des péchés vient de s’enrichir de quelques-uns liés à l’usage dévoyé d’Internet et des techniques de développement personnel. Comme il ne veut pas plaider coupable, il est condamné à la peine la plus lourde. Mais, là…
Diego Agrimbau, ce scénariste argentin, propose une nouvelle vision des Enfers. Certes, subsistent toutes les tortures utilisant, le feu, la chaleur, les brûlures. Or, celles-ci sont administrées à des degrés différents selon la lourdeur des condamnations. Mais, pour le reste, les Enfers ressemblent diablement à notre univers. Autour de Lucifer, le grand maître des lieux, un aéropage de démons divers et variés tels Belzebuth, Belial, Mammon, Loki, etc. font partie de la haute hiérarchie et dirigent des divisions de l’entreprise.
Or, devant l’afflux de nouveaux damnés, l’administration est débordée. En effet, une circulaire récente inscrit 304 nouveaux péchés alors que seulement 10 sont enlevés. Les démons n’en peuvent plus des cadences qu’on leur impose. Un syndicat revendique avec force pour obtenir des amnisties et limiter ainsi le nombre de damnés à tourmenter. Mais Lucifer semble se désintéresser de tous ces problèmes se consacrant aux soins de ses fleurs.
On doit le graphisme de cette satire cinglante à Gabriel Ippóliti. Avec un dessin bien réaliste même si les personnages infernaux portent de superbes paires de cornes, ce créateur met en scène avec une belle vitalité le quotidien de ces Enfers. Le héros n’est pas si caricatural qu’il semble. Il est inspiré, sans aucun doute, de ces prêcheurs évangélistes, que ce soit dans les postures comme dans les mimiques. Il donne une ville qui ressemble beaucoup à ce que l’on peut connaître, jouant avec des teintes fortes pour rendre les atmosphères chaudes, brûlantes des lieux.
Cet album étonnant est un régal tant pour ce récit décalé, son cadre original, son intrigue menée avec brio, que par la mise en images particulièrement réussie.
serge perraud
Diego Agrimbau (scénario) & Gabriel Ippóliti (dessin et couleur), Bienvenue à Pandemonia, traduit de l’argentin par Christilla Vasserot, Dargaud, février 2025, 72 p. – 18,50 €.