Rétrospective et abstraction

Bice Lazzari (Venise, 1900 – Rome, 1981) a été l’une des protagonistes du XXe siècle et une femme indépendante et moderne par rapport à son époque . Elle commence à suivre des cours de décoration à l’Académie des Beaux-Arts de Venise en 1916, bien qu’elle préfère les cours de peinture qui sont interdits en raison de leçons de nu jugées inappropriées pour une jeune femme. Précurseur d’une peinture abstraite conceptuelle et très contemporaine, elle travaille depuis sa jeunesse dans le domaine de l’art appliqué, considéré comme plus adapté à une artiste féminine, travaillant avec les architectes.

Elle a créé un important corpus d’œuvres (plus de trois mille) sur toile et sur papier, du figuratif de ses jeunes années aux expérimentations informelles des années 1950-1960, jusqu’à l’abstraction géométrique des années 60 au début des années 80. Une telle artiste qui a traversé tout le XXe siècle laisse une marque profonde et unique, grâce à son langage solitaire et authentique.
L’exposition, organisée ici par Renato Miracco présente plus de 110 œuvres, provenant de musées, d’institutions et de collections italiens et étrangers. Celle qui a joué un rôle important dans l’histoire de l’art italien et dans les liens qui se sont développés au fil du temps par de grandes expositions (Phillips Collection à Washington, Estorick Collection de Londres, Women in Abstraction au Centre Pompidou à Paris) reste d’ailleurs la seule femme dans l’exposition Kandinsky and the Abstract Adventure , créée en 2003 par la Collection Peggy Guggenheim à Venise.

Ici, cette première exposition anthologique montre celle qui, tout en restant toujours personnelle, a su confronter son propre temps de manière radicale et poétique, révélant une inclination particulière et une capacité originale dans l’utilisation de la couleur ainsi que la formulation d’un alphabet visuel facilement identifiable,.
Avec Bice Lazzari, émergea un nouveau système visuel, qui établit une relation étroite entre l’image et la structure narrative de la peinture, répondant pleinement au principe éthique du mouvement : le rejet de toute cristallisation dans des formes immobiles et socialement acceptées.
Sont mis aussi en évidence des mouvements, des tendances et des réinterprétations – comme le spatialisme vénitien – ou l’exploration de la relation entre la peinture et la musique. Enfin, Bice Lazzari devient ainsi une figure iconique pour donner de la valeur et la juste considération historique à des artistes féminines partiellement oubliées qui ont entrepris une recherche définie génériquement comme abstraite – à un moment particulièrement intense de la production artistique féminine en Italie (1960-1980).

jean-paul gavard-perret

Bice Lazzari, I linguaggi del suo tempo, Palazzo Citterio de Milan, du 16 octobre 2025 au 7 janvier 2026.