Francine Flandrin, Quand je fais mon Lavier BDSM

Exer­cices de frivolité

Fran­cine Flan­drin est une ico­no­claste. Elle met du leurre dans le leurre comme du beurre dans les épi­nards et de la per­ver­sité dans les poses las­cives de gra­vures obs­cènes ou plu­tôt légères (du XVIIIème au milieu de XXème siècles).
Le rire est là mais en rien gri­vois même si tout pour­tant pour­rait sem­bler façonné pour ça. Mais par l’injonction de petits pans de tex­tiles des plus déli­cats et soi­gneu­se­ment pliés ou d’autres volutes dans divers endroits qu’on ne sau­rait voir, l’artiste redonne à l’érotisme liber­tin une autre visée.

Nous entrons ainsi dans les alcôves avec celle qui en déplace les lignes d’inconduites. Et cette série tient de cabi­nets de curio­sité ou de chambres des mer­veilles qui pimentent ce que le réel du des­sin gri­vois pro­pose : un désir que la figu­ra­tion ori­gi­nale ne contri­buait pas à satis­faire. Et ce, par injec­tion d’un élé­ment propre — qui sait ? — à l’assouvir

L’ordi­naire éro­tique est donc ren­forcé par de telles inter­ven­tions ludiques, humo­ris­tiques et un sens de la déri­sion. Ce tra­vail d’intervention crée un plai­sir de l’oeil et tout autant un ravis­se­ment pour l’intelligence. Le des­sin ori­gi­nal est donc décap­sulé par les “outils” que l’artiste ajoute par glis­se­ment pra­tique ou séman­tique.
Se pro­me­nant entre un esprit Dada et une forme de “Eat Art” char­nel, la créa­trice fait des fesses les plus rondes et agui­chantes des bijoux indis­crets — ver­sion poule de luxe et tou­jours bonnes à mater.

L’incor­rect devient une poli­tesse dans des jeux d’esprit ico­no­gra­phiques. His­toire aussi de revi­si­ter l’art qu’on dit léger — pour ne pas dire plus. La plas­ti­cienne a en plus le tact de jouer les inno­centes et cela ne fait qu’ajouter aux délec­ta­tions des voyeuses et voyeurs qui oublient tris­tesse et mélan­co­lie comme en regar­dant par un trou de la serrure.

Fran­cine Flan­drin échappe ainsi aux échelles de valeur qu’on accorde géné­ra­le­ment à l’art, quel qu’en soit le genre. Ses col­lages ne peuvent être clas­sés véri­ta­ble­ment dans la caté­go­rie por­no­gra­phique. Ils n’ont pour pro­jet ni de satis­faire aux normes défi­nies par la tra­di­tion ni de pro­mettre par quelque bou­le­ver­se­ment incon­gru la conti­nua­tion d’une His­toire de l’Art ou du désir. Leur féti­chisme est très par­ti­cu­lier et tient d’un diver­tis­se­ment — pas­ca­lien ou non.

Comme chez un Bell­mer, les inser­tions de l’artiste sont des fétiches du fétiche. Leur pro­vo­ca­tion reste à double détente. Ni pou­pées, ni sta­tues, à peine man­ne­quins, les femmes laissent ainsi la ques­tion de corps ouverte. Et leur met­teuse en situa­tions a su ne pas s’embourber dans les nébu­lo­si­tés d’une méta­phy­sique dou­teuse ou d’une por­no­gra­phie pure­ment canaille.
Elle ménage des erre­ments ou des « oublis », des intran­si­geances ou des omis­sions. Ce tra­vail devient alors le miroir brisé du simu­lacre, sa vision remi­sée ou son aveu contrarié.

jean-paul gavard-perret

Fran­cine Flan­drin, Quand je fais mon Lavier BDSM.

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