L’irrépressible ténuité du pouvoir
Deux comédiens profèrent des borborygmes, paraissant s’approprier une langue hermétique dans un décor ouvert, déstructuré, tamisé de lumières, laissant deviner en fond de plateau des profondeurs non manifestes. On en vient à ourdir un complot contre le général victorieux, au combat comme, bientôt, en amour.
Sur scène, on gueule : on invective, on exulte, on traite instamment d’affaires de grande importance ; une quête de pouvoir qui se manifeste dans l’ombre, mais à grande voix. On entre dans un ballet de manigances qui se déploie à grande volée.
La jalousie vise le maure parce qu’il dispose du poste le plus convoité, celui de commandant en chef des armées, ainsi que du cœur de la belle Desdémone, dont la suite de courtisans est prête à toutes les exactions pour la posséder.
Othello affiche par contraste une figure ouverte, droite, franche.
En faisant surjouer ses acteurs, Jean-François Sivadier retrouve la verve de Shakespeare, dont le propos est constitué de dialogues profonds et amusants. Si les ficelles de l’opération machiavélique lancée par Iago, qui cherche à profiter de la loyauté excessive d’Othello en attisant sa jalousie, sont un peu épaisses, elles sont ici inscrites dans un élan dynamique et généreux qui donne au propos des résonances sociales et politiques.
Car, loin de sacrifier à une lecture psychologique et monomaniaque d’Othello, on cherche à déjouer ici la traque du pouvoir, en faisant voir sa ténuité, son inefficace : ainsi le mouchoir, symbole de l’allégeance, semble-t-il passer de main en main, comme pour exprimer la volatilité constitutive de la puissance.
christophe giolito
Othello
© Jean-Louis Fernandez
avec Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Adama Diop, Gulliver Hecq, Jisca Kalvanda, Émilie Lehuraux.
Texte français Jean-Michel Déprats ; collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit ; scénographie Jean-François Sivadier, Christian Tirole, Virginie Gervaise ; lumière Philippe Berthomé, Jean-Jacques Beaudouin ; costumes Virginie Gervaise ; son Ève-Anne Joalland ; accessoires Julien Le Moal ; assistante à la mise en scène Véronique Timsit.
A l’Odéon Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, 75006 Paris www.theatre-odeon.eu +33 1 44 85 40 40
Du 18 mars au 22 avril 2023 durée 3h30 (1h50 / entracte / 1h10)
Du 26 au 28 avril à la MC2 Grenoble ; du 4 au 6 mai à Châteauvallon-Liberté, scène nationale de Toulon ; du 10 au 13 mai au Théâtre de la Cité, CDN Toulouse Occitanie ; les 24 et 25 mai à L’Azimut Antony – Châtenay-Malabry.
Mise en scène créée le 15 novembre 2022 au Quai – CDN Angers Pays de la Loire production déléguée Compagnie Italienne avec Orchestre coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Le Quai – centre dramatique national Angers Pays de la Loire, Comédie de Béthune, Théâtre de l’Archipel – scène nationale de Perpignan, Châteauvallon-Liberté – scène nationale de Toulon, Théâtre national de Nice, Théâtre national populaire – Villeurbanne, Le Bateau Feu – scène nationale de Dunkerque, L’Azimut – Antony / Châtenay-Malabry, Les Quinconces L’Espal – scène nationale du Mans, La Comédie – centre dramatique national de Saint-Étienne, Théâtre de la Cité – centre dramatique national Toulouse Occitanie, La Coursive – scène nationale de La Rochelle, Théâtre de Caen avec la participation artistique du Jeune théâtre national ; la Compagnie Italienne avec Orchestre est aidée par le ministère de la culture / direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France, au titre de l’aide aux compagnies ; la pièce est publiée par L’avant-scène théâtre.