Jacques-Emile Blanche, Portrait de Marcel Proust en jeune homme

Mi-figue, mi-raisin

Comme le rap­pelle Jérôme Neutres dans sa pré­face, Jacques-Emile Blanche fut l’un des pre­miers à recon­naître l’importance de Proust, dès la publi­ca­tion de Du côté de chez Swann, et à défendre l’œuvre de l’écrivain.
Les lec­teurs de ce recueil peuvent se rendre compte qu’il le fit avec enthou­siasme et de manière convain­cante, à la lec­ture des essais repris ici.

Par ailleurs, le volume contient aussi des sou­ve­nirs de l’écrivain, non seule­ment tel qu’il fut dans sa jeu­nesse (comme l’indique le titre en forme de clin d’œil au tableau le plus célèbre de Blanche), mais aussi tel qu’il était dans sa matu­rité.
On peut même trou­ver là les hypo­thèses que fai­saient les let­trés, après sa mort, sur ce qu’il serait devenu s’il était tou­jours de ce monde à l’heure de sa gloire mon­diale – hypo­thèses tota­le­ment invrai­sem­blables, mais qu’on ne citera pas pour gar­der aux lec­teurs la sur­prise de les découvrir.

Ce qui rend le recueil de textes de Blanche assez amu­sant, c’est que l’auteur est aussi, comme il le dit de Made­leine Lemaire, expert “en l’art de cacher des cou­leuvres sous des roses et des vio­lettes“ (p. 102). Autant il défend Proust l’écrivain avec vigueur, autant cer­taines de ses impres­sions de l’homme qu’était Mar­cel sont empreintes de venin.
Mieux vaut ne pas détailler tout ce qu’il lui reproche par sous-entendus ou quand il fait mine d’expliquer qu’un grand artiste est for­cé­ment perçu par autrui comme insup­por­table (ce qui est loin d’être vrai, y com­pris dans le cas qui nous inté­resse : Proust avait de vrais amis, sans comp­ter Céleste.)

Sur ce plan-là, on peut se deman­der si la conscience qu’avait Blanche d’être très infé­rieur, en tant qu’artiste, à son modèle, n’a pas engen­dré une forte envie de faire entendre à tous com­bien son cher Mar­cel avait de défauts. L’essayiste ne se ren­dait pro­ba­ble­ment pas compte d’un effet secon­daire poten­tiel de cette ten­dance à cri­ti­quer Proust en tant qu’être humain : du risque d’apparaître moins sym­pa­thique aux lec­teurs que le grand homme éprouvé pour lequel il a man­qué d’indulgence.
Ceci dit, même les plus fer­vents prous­tiens peuvent trou­ver du plai­sir à (re)lire Blanche, car il est loi­sible de se diver­tir de ses “cou­leuvres“ plu­tôt que de s’en fâcher.

Par ailleurs, l’éditeur a eu la bonne idée de glis­ser dans ce volume un petit cahier de repro­duc­tions : de quoi vous mon­trer que Blanche n’a pas seule­ment réussi le por­trait du futur auteur d’A la Recherche du temps perdu.

agathe de lastyns

Jacques-Emile Blanche, Por­trait de Mar­cel Proust en jeune homme, Bar­tillat, novembre 2021, 128 p. – 14,00 €.

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