Proust (Cahier de l’Herne, dir. Jean-Yves Tadié)

Indis­pen­sable pour tout ama­teur de Proust

L’excellent Jean-Yves Tadié a réuni, pour ce Cahier de l’Herne, un cer­tain nombre d’inédits de Proust, des témoi­gnages qui étaient deve­nus inac­ces­sibles, et – bien sûr – des articles de cher­cheurs, aux­quels viennent s’ajouter les essais de quelques écri­vains.
La plu­part de ces textes feront le régal des ama­teurs de Proust, étant bien choi­sis, ins­truc­tifs et dépour­vus de pédantisme.

On éprouve un plai­sir par­ti­cu­lier à décou­vrir les lettres et le poème (inédits) adres­sés par Proust à Louis d’Albufera, qui nous donnent l’impression que Mar­cel, tou­jours vivant, bavarde avec nous ou avec un tiers. Voici la fin du long poème humo­ris­tique (ins­piré du fait que la duchesse d’Albufera tînt à faire à son fils un mariage de rai­son), où Proust affirme que de son côté, il ne sou­haite que conser­ver l’amitié de Louis :
« N’ayant pas de nom ances­tral,
N’étant ni noble ni riche,
Tout le reste m’est bien égal,
Avec votre per­mis ducal,
Du reste je me contre­fiche. » (p. 41)

Ces vers de mir­li­ton que Proust lui-même qua­li­fie d’“imbéciles“ res­pirent la gaieté et l’espièglerie, fai­sant mesu­rer au lec­teur l’abîme entre l’état d’esprit typique du jeune Mar­cel et l’étape où le roman­cier refusa de revoir même des amis qui lui res­taient chers, pour pou­voir ache­ver son œuvre avant de mou­rir.
Très sérieuse et mer­veilleu­se­ment belle, une lettre peu connue de Proust (p. 64) per­met de voir avec quelle minu­tie pas­sion­née il pou­vait se ren­sei­gner avant de rédi­ger la ver­sion défi­ni­tive d’un bref passage.

Comme il se doit, Céleste Albarte est bien pré­sente dans le volume. L’entretien qu’elle a accordé en 1971 à Joël-Marie Fau­quet, et où sa façon de par­ler par­ti­cu­lière, admi­rée par Proust, a été conser­vée, fera le régal des lec­teurs.
A l’opposé, on trouve très irri­tant le témoi­gnage (datant de 1932) de Valen­tine Thom­son, cou­sine de Proust, qui passe son temps à le rabais­ser ou à rele­ver ses défauts, sous pré­texte de louer le grand homme. Cepen­dant, on ne sau­rait regret­ter que Jean-Yves Tadié nous ait offert ce texte, car il est utile en tant qu’échantillon d’un point de vue sur Mar­cel qui devait cer­tai­ne­ment être cou­rant parmi sa paren­tèle moins intel­li­gente, moins douée et moins sen­sible que lui.

On rit bien à la lec­ture du texte de Harold Nichol­son, remon­tant à 1936, où se trouvent cités un cer­tain nombre d’avis d’écrivains anglais, dont celui de George Moore qui « consi­dé­rait le style de Proust comme une insulte à la langue fran­çaise », ou celui de George Saints­bury qui « défi­nis­sait Proust comme un mélange de De Quin­cey et de Sten­dhal » (p. 68).
Tant et d’autres cha­pitres du volume vous feront pas­ser de très bons moments, tout en vous ren­sei­gnant sur l’œuvre, et en vous mon­trant diverses facettes de l’écrivain et de l’homme que fut Proust.

On peut gager que les lec­teurs qui achè­te­ront ce Cahier ne man­que­ront pas de le relire au fil du temps.

jean-yves tadié vous parle du Cahier Proust 

agathe de lastyns

Col­lec­tif, dirigé par Jean-Yves Tadié, Mar­cel Proust, l’Herne, mars 2021, 304 p. – 33,00 €.

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