Orage (August Strindberg/Jacques Osinski)

Une pièce déses­pé­rée dont la sombre mise en scène de Jacques Osinski irra­die toute la noire lumière

Sur la scène est un banc, devant une baie vitrée, qui laisse appa­raître un inté­rieur comme en miroir, qu’on ne dis­tingue qu’à peine, dans la pénombre. Au début du spec­tacle, on devine une sil­houette, qu’on n’identifie pas. Une chan­son de Suzy Soli­dor (Ouvre, paroles Edmond Harau­court 1933) ins­talle un cli­mat déli­cieu­se­ment nos­tal­gique et éro­tique. Se pose une ques­tion d’intériorité : on pro­jette ses aspi­ra­tions sur l’atmosphère de la mai­son. On assiste à une suite d’échanges entre des per­son­nages, qui se parlent deux à deux ; les dia­logues sont ellip­tiques, sem­blant tou­jours viser autre chose que ce qu’ils dési­gnent. Il s’agit d’appréhender de façon tan­gen­tielle des incom­pré­hen­sions chro­niques, des évé­ne­ments inci­sant sans appel l’existence. Des for­mules lapi­daires, tein­tées d’une douce cruauté exis­ten­tielle. L’interrogation s’instaure sur de nou­veaux loca­taires, sur « ce qui se passe au-dessus ».

De cela, de ceux-ci, on ne sait que trop que l’on n’en sait pas assez. A tra­vers l’indifférence du per­son­nage prin­ci­pal, on découvre la quête d’une auto­no­mie conçue comme déta­che­ment for­cené. Une belle com­po­si­tion de Jean-Claude Fris­sung, incar­nant une soli­tude triom­phante. La vieillesse est dis­sé­quée dans sa pré­vi­si­bi­lité, qui se change inexo­ra­ble­ment en inquié­tude, véri­table tré­pi­da­tion de l’inutile. Un spec­tacle dif­fi­cile, exi­geant, par sa len­teur, sa sub­ti­lité, presque sa ténuité. Une construc­tion tou­jours mou­vante, en recherche per­ma­nente d’une illu­soire immo­bi­lité sans faille. Bien sûr, tout se résout à terme sans que rien ne se passe : il ne s’agit que de fer­mer la porte du passé qui ne cesse jus­te­ment de refu­ser de pas­ser. Une pièce déses­pé­rée dont la sombre mise en scène de Jacques Osinski irra­die toute la noire lumière.

chris­tophe gio­lito 


ORAGE

de August Strindberg

Mise en scène Jacques Osinski

avec Gré­tel Delattre, Jean-Claude Fris­sung, Michel Kull­mann, Alice Le Strat, Bap­tiste Roussillon

 Scé­no­gra­phie : Chris­tophe Ouvrard

Lumière : Cathe­rine Verheyde

Cos­tumes : Hélène Kritikos

Dra­ma­tur­gie : Marie Potonet

nou­velle tra­duc­tion de René Zahnd (à paraître aux édi­tions Actes Sud-Papiers)

Créa­tion du Centre dra­ma­tique natio­nal des Alpes – Grenoble

MC2 — Gre­noble du 12 au 23 mars 2013

Pro­duc­tion : centre dra­ma­tique natio­nal des Alpes / Gre­noble
Coréa­li­sa­tion : MC2 Gre­noble

et du 14 novembre au 15 décembre 2013

au Théâtre de la Tem­pête — Car­tou­che­rie Vincennes.

 

1 Comment

Filed under Théâtre

One Response to Orage (August Strindberg/Jacques Osinski)

  1. JJ

    Quelle hor­reur cette pièce. A deses­pé­rer du théâtre!

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