Yves Michaud, “L’art, c’est bien fini”. Essai sur l’hyper-esthétique et les atmosphères

Toucher en des lieux incon­nus de l’être 

Beau­coup de créa­teurs d’aujourd’hui refusent d’affronter la ques­tion esthé­tique, bar­rant d’un trait majeur le beau qui ne vou­drait plus rien dire. Leur art est devenu un gad­get, un geste, une vapo­ri­sa­tion.
Néan­moins, l’essai de Michaud expé­die un peu vite les nou­velles formes de l’art. Par exemple, les ins­tal­la­tions de Bol­tanski récem­ment dis­paru et qui fit de ses mons­tra­tions des labo­ra­toires de nos émo­tions les plus profondes.

Preuve que bri­ser les genres et les caté­go­ries pour les rem­pla­cer par d’autres demeurent capi­tal. Héri­tières par exemple d’une Louise Bour­geois, beau­coup d’oeuvres ne se contentent pas de vapo­ri­ser une quel­conque volupté. Certes, ceux qui estiment que seule compte la valeur d’un geste plu­tôt que ce qu’il pro­duit se trompent. D’autant que pour un Action­niste vien­nois com­bien de “ gestes ” pré­ten­dus “sociaux” ne sont que des mascarades.

Néan­moins, dans l’art contem­po­rain tout n’est pas à jeter. Dans la toile et la matière noble comme dans le fluide et le mou, bien des créa­teurs font émer­ger ce qui tient aux décro­che­ments visuels signi­fi­ca­tifs. Se sou­met­tant à l’absence de rap­ports entre la nature et l’art, ils repré­sentent au mieux les artistes qui écartent leur pra­tique de toute ten­dance idéa­liste.
Ils ne cherchent plus l’hallucination mais tentent tous par leur pra­tique de tou­cher en des lieux incon­nus de l’être où il n’existe plus d’image possible.

Se vou­lant polé­miste un rien réac­tion­naire, Michaud reprend là une vieille antienne. Elle n’ouvre que très par­tiel­le­ment la ques­tion de l’art contem­po­rain. Il fait comme s’il igno­rait que, même si dans notre temps sur­git “la cer­ti­tude que l’expression soit un acte impos­sible”, l’objet de la repré­sen­ta­tion sait résis­ter à la seule repré­sen­ta­tion éphé­mère et déco­ra­tive que l’essayiste illustre.
Et si par­fois nous ne voyons plus rien tenir debout dans des dis­po­si­tifs qui refoulent tout para­digme de res­sem­blance, l’art “tient” debout. Il ne finit pas de faire des pas au-delà — et pas sim­ple­ment du vide où selon Michaud les plas­ti­ciens  fini­raient par tomber.

jean-paul gavard-perret

Yves Michaud, “L’art, c’est bien fini”. Essai sur l’hyper-esthétique et les atmo­sphères, Gal­li­mard„ collec­tion NRF Essais,  sep­tembre 2021, 336 p.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Essais / Documents / Biographies, On jette !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>