Nicole Joye porte bien son nom. Et — pour rappeler une vieille publicité — son oeuvre possède une odeur de “parfum Bourjois avec un J comme joie”. Son travail est moins la mise en exergue des corps que de l’humain. Le langage plastique porte vers une plus grande écoute de la synchronicité ou de la dissonance pour, au besoin, relier des contraires dans une belle unité étrange.
Par effet d’ombres et de lumières des histoires se rencontrent, se racontent là où il faut contempler non pas l’éternité mais l’éphémère, l’impermanence.
Nicole Joye, Au hasard des géométries sensibles (exposition), Alter-Art, Grenoble, du 6 février au 1er mars 2020.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La perspective d’un bon thé et d’une petite méditation pour faire le vide avant une journée pleine.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je voulais être danseuse de ballet. J’ai réussi puisque la vie est un ballet que l’on danse.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien.
D’où venez-vous ?
Je suis née en Tunisie, j’ai la nationalité française et suisse, j’ai habité en Espagne et au Canada. Je suis une citoyenne du monde.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La joie.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Me balader en regardant autour de moi avec l’appareil photo dans le sac.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
La façon de regarder ce qui m’entoure.
Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Le corps est peu présent dans mon travail mais l’humain est partout.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La peinture de Picasso qui illustrait l’affiche de son exposition au Palais des Papes en Avignon en 1973.
Et votre première lecture ?
“La guerre du feu” de JH Rosny car c’est le premier livre que ma mère a sorti pour moi de leur propre bibliothèque (et non la bibliothèque rose ou verte) et parce que je n’ai jamais oublié la fin du livre.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Melodie Gardot, Léonard Cohen, Dhafer Youssef et Eugénia Melo e Castro.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Passage to India” de E. M. Forster pour le plaisir de la lenteur du voyage en bateau durant lequel les personnages se « préparent » à l’Inde.
Quel film vous fait pleurer ?
Certains films m’émeuvent comme “Le Pianiste” de Polanski mais je ne pleure pas, je me demande de quoi l’humain est fait.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une belle femme.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Quand j’ai fait connaissance de mon ami, je n’ai pas osé lui écrire. C’est lui qui l’a fait. Je suis bien contente.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
J’adore les deux villes où j’ai vécu hors de France : Madrid et Vancouver. New-York est aussi la ville mythique par excellence.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Les artistes de Vancouver parce que j’ai vécu dans la communauté artistique de cette ville puis, plus tard, j’ai écrit sur eux.
J’aime les auteurs qui écrivent sur le monde contemporain car mon propre travail parle du contemporain : par exemple, je suis en train de lire “Middle England” de Jonathan Coe, dont la toile de fond est le futur Brexit.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une invitation à faire un beau voyage…
Que défendez-vous ?
Le courage d’être qui on est.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
L’Amour c’est donner quelque chose que l’on a à quelqu’un qui en a et en donne aussi.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Quelle était la réponse ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Combien de temps cela m’a pris pour répondre aux questions !
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 3 février 2020.