Pascal Dessaint, Cruelles natures / Loin des humains

Le héris­son pique, pique, mais pas autant que Pas­cal Des­saint, qui nous plonge dans son uni­vers trouble et pénétrant.

Un soir, Jacques était assis là sur la ter­rasse et il avait entendu du bruit. Il avait d’abord pensé à un chat mais, au bout d’un moment, c’est un héris­son qui avait déboulé. L’animal était dodu, intré­pide. Il avait beau­coup plu en fin d’après-midi et Jacques lui avait donné ce nom : Orage. […] Orage avait zig­za­gué sur la ter­rasse sans même le voir puis dis­paru…
(Loin des humains, p. 13)

5 mai/12 H/D14/Étang de Pisseloup/Un héris­son.
(Cruelles natures, p.43)


 Cruelles natures

Antoine est un éco­logue parti s’enfermer en com­pa­gnie de Myriam dans La Brenne, pays d’étangs et de marais, empli d’un brouillard dense et où les san­gliers sont atti­rés par l’odeur du sang. Myriam, elle, a eu le coup de foudre pour Antoine et a aban­donné mari et fille pour le suivre. À Dun­kerque, ç’a beau être le car­na­val, Mau­ri­cette déchante dans son lycée hor­ti­cole. Son père est dans le coma. Régis et Thierry sont ses plus fidèles che­va­liers ser­vants. De vrais pau­més, comme elle. Ensemble, ils orga­nisent le bra­quage d’un bar PMU. À par­tir de ce moment, tout leur échappe. Rémy, d’abord. Le gar­çon, amou­reux de Mau­ri­cette, a quitté les pigeons de son père. En mena­çant le bura­liste, il ne s’attendait pas à ce que ce der­nier le surine. Mau­ri­cette et Thierry doivent alors aban­don­ner le cadavre de Rémy, et s’enfermer dans un silence com­pa­rable à celui qui s’est ins­tallé depuis long­temps déjà entre Myriam et Antoine. Myriam, qui se plonge dans l’écriture de lettres à sa fille depuis long­temps oubliée. À Mau­ri­cette. Antoine, lui, sombre dans une folie rava­geuse. Il arpente les dépar­te­men­tales, ramasse et recense les ani­maux écra­sés par les voi­tures. Les hérons tentent de s’envoler, une tor­tue s’escrime à tra­ver­ser la route et l’étang est mys­té­rieu­se­ment habité. Georges ne cesse de s’approcher. Et Mau­ri­cette est vrai­ment per­due dans cette histoire.


 Loin des humains

Jacques Lafleur n’est pas pro­fes­seur dans le lycée hor­ti­cole de Mau­ri­cette. On a beau être loin des hommes, la nature n’en est pas moins cruelle. Les ronces ont envahi le jar­din de sa sœur et un séca­teur l’a égorgé d’une entaille simple et pré­cise. Jacques avait tou­jours la tête en l’air, à la recherche d’un rapace. Pierre, son frère, est plus terre à terre. Lui, les rep­tiles ont sa pré­fé­rence. Entre les deux frères, une femme, un enfant, un refuge, un drame : celui de l’usine AZF de Tou­louse. Le capi­taine Félix Dutrey va s’efforcer de per­cer le mys­tère de Jacques, éter­nel vaga­bond retrouvé au moment de l’explosion de l’usine au volant de la voi­ture de Mariel, une quin­qua­gé­naire recluse en pleine nature et amou­reuse de Jacques. Félix doit accep­ter d’affronter Élisa, une de ses subor­don­nées, qui a été sévè­re­ment brû­lée dans le dos et a dû subir une greffe de peau. Félix est amou­reux, mais n’ose pas fran­chir le pre­mier pas et s’envoler en com­pa­gnie de sa douce et de sa péniche. Rémy est un jeune paumé, couvé par sa mère, haï par son père, qui gagne sa vie en sur­veillant une broyeuse de papier. Rémy découvre par hasard les cahiers de Jacques Lafleur. Il s’immerge dans ce jour­nal jusqu’à s’identifier à Lafleur. À mesure qu’il s’approche du dénoue­ment du drame, d’autres meurtres sont com­mis dans l’entourage de Jacques. Acci­dents, sui­cides, folies sont au pro­gramme. La pres­sion monte dans l’équipe de Félix, qui reprend peu à peu ses ins­tincts d’enquêteur.

Pascal Des­saint, qui est un habi­tué des édi­tions Rivages, nous pro­pose deux romans dia­mé­tra­le­ment oppo­sés mais à l’ossature simi­laire. Les récits pro­posent une alter­nance de points de vue de la part des nar­ra­teurs entre­cou­pés de lettres — dans Cruelles natures - et d’extraits d’un jour­nal intime dans Loin des humains. Les méandres de l’âme humaine partent à la ren­contre du royaume ani­mal. Sous l’œil impas­sible d’une tor­tue sécu­laire, un drame se dénoue et un autre se forme, un ser­pent décan­tera une situa­tion tout en se pre­nant un coup de bêche. Les ronces seront le nœud d’une intrigue, une branche sera l’arme de la mort. Avec Pas­cal Des­saint, plus les hommes s’éloignent de leur huma­nité, plus ils sont rat­tra­pés par la nature. Deux très beaux romans qui débordent à la fois d’une poé­sie tendre et d’une nos­tal­gie écra­sante, oppres­sante et tenante.

julien védrenne

   
 

-  Pas­cal Des­saint, Cruelles natures, Rivages coll. “Thril­ler”, mars 2007, 220 p. — 16,00 €.
-  Pas­cal Des­saint, Loin des humains, Rivages coll. “Noir” n° 639, mars 2007, 382 p. — 8,00 €.

 
   

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