Le roman de Jean Esponde ne répond pas aux règles du genre même si son auteur tire son improbable héroïne du coté de la psychologie moins primitive que sa Lucy. A savoir celle qui est notre mère à tous et bien plus qu’Eve. Le narrateur voyageant dans la Corne d’Afrique pour écrire un livre pédagogique sur Lucy, découverte dans le désert Afar dans une expédition de 1974, s’éprend de son modèle.
Inspiré par cette découverte et les lieux, il s’abandonne à son penchant romanesque au contact des chasseurs-cueilleurs devenus éleveurs au début du néolithique.
A partir de là, Esponde recrée un monde premier sans la moindre pédanterie. Tout est fait pour rapprocher l’ère du protolangage de la nôtre. Et la fiction avance comme si le temps le plus ancien de l’humanité était semblable au nôtre. Ce qui n’est pas totalement faux. Si bien que le lecteur peut être frappé dans la manière de dire le plus lointain hier comme un aujourd’hui. Il tombe les mêmes pluies diluviennes sur les épaules du désert qui généralement brûle comme une flamme.
L’humanité est là et n’a guère changé. Et le roman — sous titré “Pour que les poètes aiment AL 288–1″ — offre une sorte d’enseignement mais sans chercher à donner de leçons. Les passions ne changent pas et c’est toujours l’amour qui réconforte la vie.
Dans ce long périple, le marcheur touche par sa langue à l’aube du langage. Mais sans essayer de la singer. L’auteur ne fait pas le malin. Il se prête aux règles de la fiction classique pour mieux la décaler du monde qu’il décrit et découvre. Il est certes autre mais rend l’humain encore plus humain. Ce livre est la plus sûre réponse aux anéantissements. Preuve aussi que la vérité peut aimer les légendes lorsqu’elles sont bien écrites.
Ici, à l’aube du langage dont le balbutiement ne trahit en rien les désillusions d’autant que, mais est-ce un scoop ?, “Lucy comprend”.
jean-paul gavard-perret
Jean Esponde, A la recherche de Lucy, Atelier de l’Agneau, St-Quentin de Caplong, 2019, 158 p. — 18,00 €.