Aldo Qureshi, Barnabas

Instances tenantes

Aldo Qure­shi est un spé­cia­liste des his­toires courbes même si tout semble filer droit. Cela per­met bien sûr au dis­cours de se pour­suivre - d’une supé­rette à l’autre et de super êtres à ceux qui le sont bien moins. Mais il ne faut pas comp­ter sur  le poète pour pro­po­ser des leçons de morale. Il boucle les hautes pres­sions conçues pour dif­fé­rentes situa­tions urbaines où il n’est pas ques­tion d’aller chez Bour­so­rama Banque afin de régler les pro­blèmes même si, paraît-il, c’est celle qu’on a envie de recom­man­der.
Ici,  le monde reste en cercle vicié. L’homme a la tête de chiens finira par se mordre les doigts, non par culpa­bi­lité mais par réflexe. Tout est his­toire de peau ou de four­rures syn­thé­tique. Nul ne dit ici si la seconde est aussi pro­fonde que la pre­mière, du moins si — en impru­dents — nous fai­sons confiance à la for­mule de Valéry.

De fait, sous forme du quo­ti­dien le plus tri­vial Aldo Qures­chi écrit l’intraduisible et rap­pelle que l’innommable est au milieu du réel. Pas besoin des grandes catas­trophe de l’histoire pour nous le rap­pe­ler. Le dire sus­pendu au taire semble s’insinuer par les pores des sinuo­si­tés sai­sis­santes d’une réa­lité incons­ciente. L’auteur struc­ture ainsi son fan­tasme d’écraser l’angoisse de mort par le main­tien d’un mou­ve­ment inces­sant dans la den­sité pro­téi­forme d’un verbe éclaté, là où le poème feint la nar­ra­ti­vité.
Certes, elle existe bel et bien ici mais le carac­tère « poé­tique » (en prose) n’a rien d’aérien et ne s’envoie en l’air que dans les esca­liers. Cela ne manque pas de vigueur et c’est peu dire. L’auteur pos­sède le goût indé­niable de bras­ser ensemble le cré­pus­cule des pertes ombra­geuses et l’aube des retrou­vailles pas for­cé­ment écla­tantes – d’autant que de Bar­na­bas à Bar­ra­bas il n’y a qu’un pas et un seuil à franchir.

Quares­chi décante les trans­pa­rences opaques afin d’accueillir et aigui­ser notre regard sur un visible trop sou­vent occulté.

jean-paul gavard-perret

Aldo Qure­shi,  Bar­na­bas, Van­loo Edi­tion, Aix en Pro­vence, 2018, 116 p. — 12,00 €.

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