Hervé Bourhis, Comix Remix — Tome 1 : “Feu Mister Mercure”

Une visite des codes et de la poé­sie des comics aussi intel­li­gente qu’angoissante.

À l’instar de la famille des Indes­truc­tibles, mise en scène dans le film d’animation de Pixar, les super héros de Tower­ville ont com­pris les bien­faits de la publi­cité et, inféo­dés à la toute-puissante Cor­po­ra­tion contrô­lant 50% des béné­fices et diri­gée par Miss Hono­lulu qui fait pas­ser la réus­site éco­no­mique avant les valeurs, uti­lisent leur image à des fins mer­can­tiles.
Mais cer­tains super héros ont conservé un mini­mum d’éthique et font de la résis­tance : ils forment ainsi une fac­tion dis­si­dente, Les Clan­des­tins, jugés ter­ro­ristes par les cor­po­ra­tistes, et une guerre fra­tri­cide ravage bien­tôt les deux clans, sur­tout à par­tir de la mort du plus popu­laire des super héros : Mis­ter Mer­cure, par laquelle s’ouvre l’album.

On se dit au départ qu’on a sous les yeux une paro­die de plus des comic books de super héros. Mais Comix Remix va plus loin qu’un simple pas­tiche. Cette reprise par la bande des­si­née franco-belge de la thé­ma­tique ô com­bien amé­ri­caine des super héros à cape et à masque, pro­pose en effet une his­toire cohé­rente (voire tra­gique), truf­fée de clins d’œil humo­ris­tiques, et qui ne lésine pas quand il s’agit de don­ner dans la satire de l’uniformisation de la société et de l’ultralibéralisme.
Le bur­lesque et le sati­rique s’articulent autour du des­cen­dant de Mis­ter Mer­cure, John-John, placé dans une tris­toune école de super héros, mais ne dis­po­sant selon lui d’aucun super­pou­voirs. Le monde que nous révèlent le jeune gar­çon et sa mère, en proie aux luttes de pou­voir, aux mani­pu­la­tions et aux mal­ver­sa­tions de tout poil, est des plus noirs. Toute jus­tice et toute mesure s’en sont absen­tées.

Appuyé par un gra­phisme assez sec et grin­çant, ce pre­mier tome se lit comme un comics de polar poli­tique. Les jus­ti­ciers ici ne sont plus des stars. Et cela n’a rien de drôle. Reste que l’ensemble pèche par trop de séche­resse selon nous, trop cari­ca­tu­ral et grif­fonné, le des­sin manque de géné­ro­sité, les cou­leurs sont froides. Le lec­teur crain­dra sans doute de se pro­pul­ser bille en tête dans cette gale­rie de per­son­nages qui désar­çonne et il aurait fallu que Hervé Bou­rhis (prix Gos­cinny 2003 avec Tho­mas ou le retour du Tabou, Les Huma­noïdes Asso­ciés, col­lec­tion “Tohu Bohu”) prenne le temps d’installer davan­tage son intrigue et ne répugne pas d’emblée à séduire son lec­teur.
C’est d’autant plus dom­mage que le pro­pos, qui revi­site les codes et la poé­sie des comics dans la lignée des Aven­tures de Kava­lier et Clay (Michael Cha­bon, Robert Lafo­not, 2003),
 est aussi intel­li­gent qu’angoissant. À l’image d’ailleurs du sti­mu­lant Pres­tige de l’uniforme de Loo Hui Phang et Hugues Micol paru dans la même collection.

louis taillan­dier

   
 

Hervé Bou­rhis, Comix Remix — Tome 1 : “Feu Mis­ter Mer­cure”, Dupuis, coll. “Double Expresso”, mai 2005, 80 p. — 15,00 €.

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