L’enfer c’est Sartre plus que les autres
Il se peut que le lecteur de Dissidences traverse les mêmes états que les gouvernements face à la montée du populisme : passer de l’étonnement à la consternation, puis à l’interpellation et la sidération. Certes, Jean-Michel Esperet n’en demande pas tant. Il ne se veut point Cioran et surtout pas Sartre. Vince Taylor lui sied parfaitement et le lecteur en est ravi.
Le Genevois ne cherche jamais l’effet, ne privilégie en rien la forme sur le sens. C’est pourquoi ses « mauvaises » pensées sont des cannes au niveau de l’eau du Léman. Leurs plumes sous forme de greffes et d’excroissances font du livre un faux capharnaüm et une « invitation au voyage », moins à la manière de Baudelaire que celle d’un Beckett et des négateurs d’infinis.
L’auteur propose des boutures intempestives pleines de burlesque et de tours de fausse garde contre les religions, leurs penseurs et les politiques dont le trou Perrette dont parle Villon ne « sent pas que la violette » mais la mort qu’il prône sous diverses bannières.
Pour autant, l’écrivain suisse ne monte pas sur de grands chevaux : il préfère des tours de manège révélateurs de vérités à la Cocteau qui ne s’est jamais voulu le cocu ou la coqueluche des idées admises et de leurs farces. A peine leur coucou.
Esperet fait de même : entre courroux et coucouroucoucou il reste un glosateur ailé qui secoue les discours. Un tel auteur intempestif, à Malherbe préfèrera la mauvaise herbe. Il opte en bûcheron pour la plaisanterie plus que pour les histoires d’Etres Suprêmes. Il rêve même qu’ils s’entretuent entre eux.
Mais peu enclin à l’optimisme quant à la nature humaine, il sait que ce carnage venu, les hommes s’empresseront d’en inventer treize à la douzaine.
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jean-paul gavard-perret
Jean-Michel Esperet, Dissidences — aphorismes et diversions, éditions Socialinfo, Lausanne, 2018, 140 p.