Nadine Agostini fait grimper sur sa grande roue désaxée, descendre dans son périple hirsute et gigogne. L’érotisme lui-même y prend un nouveau sens. Dans le dédale du noir surgissent une blancheur d’écume et aussi une bonne dose de critique du monde tel qu’il est. Les idées noires finissent leur galop, glissent sur une mauvaise pente. La poétesse les déflore sans risquer d’être compromise dans la vague Veinstein (le producteur américain, pas le poète français).
L’iconoclaste invente des vies pour écrire la sienne. Celle-ci n’est pas de chienne mais de souris blanche qui fait des « ratvages ». Elle grignote les cerveaux rapiats pour les vider de leur miasme. « Indescente aux enfers », elle ne laisse jamais sa part au chat, fait des niches à Nice et drague les ascètes à Sète (mais pas seulement).
Sa frénésie poétique est boulimique. La chipie déchiquette et met en charpie les manuels de savoir-vivre par ses avis à la population et des évocations maternelles dont Julien Blaine n’est pas absent puisqu’il est son semblable, son même (enfin presque). La nymphette maintient le désir du texte à grand renfort de folie si bien qu’on se demande parfois s’il y a un pilote dans ses textes. Mais c’est ce qui en fait tout le sel. Et pas celui de la terre.
Ses chants des signes sapent le sommeil en ourdissant des plans sur la comète dans un bruit-gandage éloigné des sourates. De Dieu elle ignore le tonnerre et avance d’un texte à l’autre, en Mary Poppins des lettres et en bifurcations imprévisibles. Elle garde le sourire aux lèvres, balaie et déterre gens et « Jean j’en » à la main, en cultivant des cycles amènes.
jean-paul gavard-perret
Nadine Agostini, La cerise sur la gâteau, Editions Gros Textes, 2018, Fontfourane — 10,00 €.