Les poupées de Jennifer Avery expriment une sensation de l’ineffable, cet ineffable qui étymologiquement ne se parle pas, ne peut être verbalisé mais qu’on découvre dans les oeuvres de l’artiste. Elle pose la question du corps désirant de la maternité et du corps enfantin. Mais il y a plus : la poupée devient l’objet transactionnel et son corps un moyen d’affiner le regard. La poupée n’est donc plus une simple façade ou miroir.
Se crée un étrange dialogue entre l’œuvre et ceux qui la contemplent. Il y a là une promesse d’un autre horizon, d’une autre aventure, plastique mais aussi existentielle.
La poupée crée un souffle, engendre des silences. Nul ne sait en effet si la parole va sonner ou retourner au silence. Pour Jennifer Avery, il ne faut peut-être jamais sortir du jadis du corps habité de la mère, de sa joie, du péché, de la génitalité, du silence, du privé, de l’incompréhensible et de l’incomplétude.
C’est pourquoi celle qui n’est plus un simple jouet « dit » dans la langue de la mère ce qu’il en est de ses enfants et ce qu’ils peuvent lui faire subir en s’efforçant de réparer l’inconsolable perte du paradis utérin, de l’origine dépassée. L’artiste estime que la volupté est moins originaire que le natal.
C’est ce que prouve son œuvre de limbe donc d’attente. De délivrance ? De séparation ? Chacun l’appréciera selon sa perception.
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jean-paul gavard-perret
Jennifer Avery, Dolls, 2017, Livre disponible sur : http://www.jenniferlavery.com/