Tomás González, L’histoire d’Horacio

Chro­nique d’une mort annoncée

Tomás Gonzá­lez est abso­lu­ment inconnu par ici. Et ailleurs aussi semble-t-il. Il a bien une page Wiki­pe­dia (oui, je sais, ça ne veut rien dire) mais en espa­gnol seule­ment. J’ai demandé à une col­lègue de bou­lot colom­bienne si elle le connais­sait. Elle n’en a jamais entendu par­ler (mais pour ne pas pas­ser pour une inculte elle m’a demandé si le der­nier San­tiago Gam­boa a été tra­duit en fran­çais (pour votre infor­ma­tion, la réponse est : non)).
Il y a bien Elfriede Jeli­nek qui en dit du bien, mais depuis que j’ai appris qu’elle avait tra­duit du Tho­mas Pyn­chon et du Fey­deau en alle­mand, je suis décon­certé par son éclec­tisme et j’ai donc beau­coup de mal à inter­pré­ter ce genre d’avis.
Bref, c’est repo­sant de s’attaquer à un livre sans rien connaitre du contenu ou de l’auteur. Pas d’a priori, pas d’attentes par­ti­cu­lières, on est (je suis) tout de suite plus réceptif.

Donc, l’histoire d’Horacio. Pour faire simple, Hora­cio va mou­rir. Il le sait, il le sent, et cette idée lui pour­rit la vie.
Page 132 (en par­lant d’un des per­son­nages, écri­vain à ses heures per­dues) : son style ne s’était pas encore suf­fi­sam­ment délesté de détours inutiles et d’artifices sour­nois. C’est peut-être un peu méchant, mais à ce moment là de ma lec­ture, j’aurais bien appli­qué cette phrase à son auteur. Pas­sons sur les détours inutiles (cette obses­sion pour les veaux…) et les méta­phores trop poé­tiques (ou trop tra­duites, ça, je ne peux pas juger).
Un arti­fice sour­nois omni­pré­sent dans le livre consiste à annon­cer dis­crè­te­ment mais à l’avance ce qui se pas­sera quelques pages plus loin. Un peu comme les en-têtes de cha­pitres dans les romans chi­nois. Cet art du contre-temps sert tota­le­ment l’objectif du livre : puisque tout est déjà pré­dit, il n’y a plus de roma­nesque, plus de péri­pé­ties, juste des per­son­nages et leur vie.
L’auteur se débar­rasse de tout le folk­lore qui aurait pu le guet­ter (la cam­pagne, les années 60.…), éva­cue tout ce qui pour­rait faire un contexte pit­to­resque (en géné­ral, quand on pense à la Colom­bie, on pense au Réa­lisme Magique® ou à des his­toires de nar­cos avec des kalach­ni­kovs dans la forêt). Il rabote tout ce qui dépasse et ne laisse que l’essentiel : la vie, la mort, le temps qui passe. Il ne cherche même pas à faire émer­ger une approche ori­gi­nale de ces thèmes. La sim­pli­cité, l’universalité, voilà bien le but.

H
ora­cio aime trop ce qui l’entoure, sa famille, ses bibe­lots, ses vaches, et c’est là son pro­blème. Son amour de la vie le rend inadapté à celle-ci. Chaque contra­riété prend des pro­por­tions insen­sées, or trop de sou­cis se bous­culent dans sa tête, et de plus en plus depuis que son cœur montre des signes de fai­blesse.
Moins que la mort elle-même, c’est l’annonce de celle-ci qui est ici dévas­ta­trice. Après tout, le monde est vivant, les mai­sons regorgent des per­son­nages qui vont et viennent en tous sens. La mort est natu­relle et n’empêchera pas le monde de tour­ner, en revanche l’angoisse de la mort para­lyse tout et fait qu’on ne pro­fite plus de la vie, bref, on est mort avant de mou­rir. Et c’est ainsi qu’Horacio dépé­rit, len­te­ment mais sûre­ment.
Eco­no­mie de moyens, sim­pli­cité du trai­te­ment, Tomás Gonzá­lez se fait humble, et même si le thème est vaste, il l’aborde le plus sim­ple­ment du monde : en aimant ses per­son­nages.
En défi­ni­tive, page 219, à la toute fin du livre, mes réti­cences de la pages 132 s’étaient envo­lées. Très loin.

mat­thias julien

Tomás Gonzá­lez, L’histoire d’Horacio, tra­duit de l’espagnol (Colom­bie) par Del­phine Valen­tin, Car­nets Nord, sep­tembre 2012, 220 p. — 17,00€

1 Comment

Filed under Non classé, Pôle noir / Thriller, Romans

One Response to Tomás González, L’histoire d’Horacio

  1. Emmanuelle Caminade

    Bon­jour,
    C’est le deuxième livre de l’auteur tra­duit en fran­çais. “Au com­men­ce­ment était la mer” (Car­nets Nord 2010) était un livre dur et sombre qui dénon­çait l’utopie d’une retour au para­dis perdu. Publié 17 ans après en Colom­bie, “L’histoire d’Horacio” en est presque l’antithèse !
    Mais peut être la vie de cet écri­vain est elle un “zig­zag” entre ombre et lumière et que nous sommes sur le “côté illu­miné” !
    E.C, L’or des livres

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