Jo Vargas se concentre sur ses failles de l’être humain happé par les blessures qui le hantent. L’artiste en sent la douleur dans son intimité charnelle sans pour autant en extraire des images violentes. Elle préfère l’aporie d’où jaillissent la puissance et l’accomplissement de ses peintures. Le corps de nature phallique et gloutonne du masculin est renvoyé à sa misère pascalienne sous effet cinématographique.
Un certain mystère demeure néanmoins dans le jeu des plans d’une même image. Il finit par rester en un état latent et demeure le point majeur d’une œuvre souvent douloureuse mais dans laquelle l’Eros tente de venir à bout de Thanatos. Chacune des œuvres offre son voyage au bout de la nuit. L’artiste la traverse, arrimée à ses ombres et ses lumières au moment où elle renverse le jeu classique de la représentation picturale en la décalant. Entre textile et chair, tout évoque l’intériorité.
Après avoir englobé des scènes quasi mythiques ou historiques, elle pénètre un dedans, un intime non par effet de nudité mais de voile. Elle instaure une communion à la fois lyrique et austère. Jo Vargas continue à exprimer une chair sensible plus que flamboyante, blessée plus qu’extatique. La canicule des émotions demeure calfeutrée au sein d’une ténèbre et d’un suspens. L’artiste laisse un champ partiellement ouvert : au regardeur de le remplir.
L’expérience picturale est donc retardée dans le plaisir comme dans la douleur. Ni la proie ni l’ombre ne la comblent en refusant tout effet de provocation là où le cœur est aussi triste que la chair.
jean-paul gavard-perret
Jo Vargas, Le grand sommeil, galerie La Ralentie, Paris, 21 avril – 2 juin 2017.