Andrea Zanzotto, Vocatif, suivi de Surimpressions d’Andrea Zanzotto

Andrea Zanzotto, Vocatif, suivi de Surimpressions d’Andrea Zanzotto

Ombres tirées

Le livre réunit deux textes dont l’assemblage pourrait sembler énigmatique sauf à souligner la cohérence thématique et certains réflexes du poète : références mythologiques et autres (Dante, Leopardi et même Pasolini), mixage verbal, dialecte, présence de la nature.  Entre « Vocatif » et « Surimpressions » 500 ans ont passé : le monde a changé mais les sentiments et le montage « à façon » du poète peu, même si tel l’escargot il ne recule jamais. L’émoi n’est plus le même, la fusion à la nature moins forte mais demeure la pâte nostalgique d’une œuvre dont le lyrisme peut agacer tant elle paraît parfois surannée.
Les certitudes s’éloignent dans le second texte même si une certaine platitude romantique suit son cours et agace. La vie dans les deux cas semble lointaine ou inatteignable mais l’amour sert toujours de pansement. Il suffit du visage de l’aimée pour voir à travers lui et l’auteur poursuit cette perspective joaillière. Certes, aux ruines de la guerre se superposent d’autres désastres écologiques : de quoi donner du grain à moudre à la capacité de traverser l’écrasement crescendo du monde en enjambant une perspective morale. Mais les bonnes thématiques sont comme les sentiments du même tabac : elles ne font pas forcément les grandes œuvres.

Zanzotto reste un poète honorable, quant à en faire le grand poète de la seconde partie du XXème siècle italien, il y a un pas. A trop ancrer son œuvres dans la terre, il arrive qu’elle s’y enfonce. Le poète semble plus gardien d’un temple qu’inventeur. Nul ne lui conteste la sagesse et la droiture d’un esprit bienveillant mais l’œuvre manque d’un certain dérèglement des sens. Elle est plus consolation et supplique que fenêtre sur les temps à venir.
Les deux textes proposent un état nuageux ou spongieux qui emplit ses visions filées à la main et parfois les rembourre en soignant le duveteux. A être inconsolable, Zanzotto diffuse des ondes acoustiques d’une chanson connue. On pourra reprocher au critique de manquer ce qui fait sans doute la force du poète : une certaine empathie. Mais apprécier une œuvre impose d’en séparer le grain de l’ivraie, la cendre et l’étincelle. Celle-là reste dans ces deux textes un peu trop prégnante et laisse des trous dans l’ensemble de l’œuvre. Et le grand Zanzotto n’est pas dans un livre où les « colonnes d’étincelles » restent la partie congrue. Une poésie nostalgique répand sinon des rayons froids. Du moins dentelles et rubans d’un colossal moindre.

jean-paul gavard-perret

Andrea Zanzotto, Vocatif, suivi de Surimpressions  d’Andrea Zanzotto par Philippe di Meo, Editions Maurice Nadeau, Paris, 2017.

 

 

 

 

 

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