Les contours sensibles d’un territoire jamais conquis puisque perdu
Anna Bambou est née de la rencontre entre : Sabrina (photographe et réalisatrice) et Marianne (réalisatrice, conceptrice de projet). En 2010, elles découvrent leur héroïne qui a disparu sans laisser d’adresse. Elles sont parties à sa recherche en récoltant des témoignages à son sujet. Dans le même esprit qu’une Virginie Rebetez et son enquête américaine sur une jeune femme disparue aux USA, les deux artistes ont scénarisé la vie d’Anna en transformant des lieux existants ou en créant de toutes pièces un décor.
Prenant pour nom de “scène” celui de leur héroïne, dans I’ll be your mirror les photos sont réalisées par le transfert de polaroids et le négatif en miroir et permettent la poursuite de l’enquête. Elles s’abandonnent au plaisir capiteux de raconter l’histoire d’une femme et une histoire de femme qu’elles se plaisent à imaginer universelle en un mixage d’images qui rappelle les univers de Sarah Moon de Sophie Calle.
Des femmes peuvent se projeter dans Anna Bambou, son histoire, sa beauté. Les artistes créent moins une documentation qu’un écrin par touches minuscules, les contours sensibles de ce territoire, jamais conquis puisque perdu. Il emmène dans son infinitude et embarque le regard.
La pensée se fait libellule attirée par le frôlement merveilleux du mystère. D’autres paupières se soulèvent dans la mémoire, ouvrant au “blémissement” des limbes d’un corps perdu. Il se montre, se cache, pense. Sa pulsation restera sourde.
jean-paul gavard-perret
Anna Bambou, I’ll be your mirror, Nicephore Off, du 3 au 30 octobre 2016. UFCV, Hall de la Petite Rue, Clermont-Ferrand.