Les aphorismes de Frederika possèdent une quadruple originalité. D’abord, en dépit de leur titre, ils ne sont pas ceux d’une « jeune fille » — ce qui ne veut pas dire qu’ils soient d’une vieille fille pour autant. Par ailleurs, elle les orne de vignettes délicieuses. Mais il y a plus. L’aphorisme évite chez elle le côté laconique qui fait de lui trop souvent un simple mot d’esprit.
Frederika le transforme en véritables poème. Enfin, l’auteur s’amuse à le tordre pour le transformer en syllogisme particulier : des syllogismes justes même si, comme elle le précise, « leur logique est dure à accepter ».
Preuve que, pour la poétesse, l’homme ne descend pas du songe. Plutôt que de postuler sur l’après, tant les prévisions sont difficiles (en particulier sur le futur), Frederika crée avec ses lecteurs une communauté qui ne se réduit pas aux aguets.
Chaque texte semble se dégager de sa coque car l’auteure refuse d’y suffoquer en douceur. Elle exige une autre histoire pour guérir du temps qui passe et pour faire comprendre que l’on peut se sauver de la maladie de la mort.
Il faut relire sans cesse ces textes dont la densité est sans fond : ils deviennent d’étranges visiteurs. Si bien que les blessé(e)s du passé ne demandent qu’à s’asseoir près de la poétesse. Elle apprend que nous devrions compter nos journées de joie sur les doigts d’une main et sur le pouls du cœur.
Les textes projettent pour des noces à venir. Leurs larmes restent invisibles. Mais chaque aphorisme devient un camarade. Nous sommes leurs égarés provisoires. Notre foule est de plus en plus compacte.
jean-paul gavard-perret
Frederika, Aphorismes de Jeune Fille, Editions Réseau Tu dois, Paris, non paginé, 2016 — 6,00 €.