Laura Vazquez, La Main de la main

Des arai­gnées (et autres insectes) dans la tête

Laura Vaz­quez a besoin de presque rien pour com­men­cer à écrire. Un mor­ceau de pain, une chaise et un ordi­na­teur. Très vite, elle entend « gré­siller les four­mis » de sa tête et elle n’a plus d’âge. Sœur du Gré­goire Samsa de Kafka, elle fut cafard : c’est un avan­tage lorsqu’on veut faire plier la langue, la réduire en molé­cules et la faire avan­cer à petits pas. Ceux que cela énerve vou­drait lapi­der (méta­pho­ri­que­ment) la poé­tesse.Mais cela ne chan­ge­rait rien : on croit l’auteure pré­sente mais ne reste de sa pré­sence qu’un leurre : celui d’une tache d’ombre. Comme un furet, elle court la forêt des songes et celle des temps où bien sûr elle furette, s’avance, trouve des conduits où, au nom de l’amour, elle tire la langue aux objets et à ceux qui passent sans la voir. Non qu’elle aît besoin de recon­nais­sance, elle veut sim­ple­ment « être » — en dépit des mala­dies de « peau », des mala­dies de cœur.

D’où ses suc­ces­sions de cro­quis à vif, de choses imaginées-vues. Pas­sage des sai­sons, donc du temps. Sa forge est ouverte, comme la gorge de la poé­tesse « mêlée de cuir, de gou­dron et de liège » mais jamais pour une aus­cul­ta­tion laryn­go­lo­gique ou un bros­sage des dents au den­ti­frice au fluor. Elle sort sa voix qui devient « la Main de la main » ouverte pour la caresse. Avant d’écrire sa sou­plesse sur des rudi­ments de peau, elle pou­vait se croire point final : elle est désor­mais point de sus­pen­sion. On attend la suite car quelque chose suit son cours. Cette « chose » est une petite musique de suie et sur­tout de « si je suis ». Car tel est la seule ques­tion qui lève les hypo­thèses à l’existence. Pour cela, la poé­sie est néces­saire. Mais pas n’importe laquelle et pas n’importe comment.

Laura Vaz­quez le prouve, sa terre tremble comme dans un vieux film ita­lien. Tan­dis que dans son ventre « le pois­son tourne ». Pour lui, elle mange du cirage pour cirer ses pompes. Celles-ci – comme les bottes pour Nancy Sina­tra — sont faites pour mar­cher dans le corps. Essouf­flée, la poé­tesse a la langue au bout des lèvres. Le french kiss poé­tique n’est donc jamais loin. D’autant que telle la belle de Cadix Laura Vaz­quez a pour ses lec­teurs et lec­trices des yeux et une écri­ture de velours mais sur­tout une poé­tique qui fuit les abs­trac­tions et les dia­mants en toc. Elle leur pré­fère ses ani­maux. Qu’importe s’ils sont malades de la peste. Leur confit danse (même si depuis la poé­tesse a renoncé à la viande) . Cela lui per­met de concoc­ter bien des confi­dences dont il ne faut pas for­cé­ment cher­cher à for­cer le sens.
L’amour de cre­tonne rend chaque poème léger. Son évi­dence est crayeuse, la joie iro­nique et l’être sans secret.

jean-paul gavard-perret

Laura Vaz­quez, La Main de la main, Cheyne Edi­teur, Prix de la voca­tion 2014, 60 p. — 16,00 €.

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