Jean-Pierre Sergent, Sex and rituals (exposition)

Jean-Pierre Ser­gent : vie secrète

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Les œuvres de Jean-Pierre Ser­gent sont des zones de fouilles capables d’atteindre le vor­tex de la machi­ne­rie de l’être par le réel et sa trans­fi­gu­ra­tion. Repre­nant Bataille et la sup­plique infer­nale de sa Madame Edwarda inti­mant à son client de contem­pler son sexe (« Regarde car c’est ton dieu »), l’artiste montre l’importance de cette figu­ra­tion. L’ordre fémi­nin est celui de la régé­né­res­cence comme celui du chaos. Bref, le lieu où tout com­mence.
Pour figu­rer ce jaillis­se­ment et sou­le­ver un abîme de feu, l’artiste récu­père diverses tra­di­tions – des plus modernes (pop-art) aux plus pri­mi­tives (arts pre­miers). Il met à mal ce qui dans la tra­di­tion occi­den­tale a assoupi cet incen­die. Soit  par des pos­tu­la­tions  morales soit par des  feintes d’exposition (la por­no­gra­phies et ses leurres). Soit tout ce qui trans­forme l’art en un « dépo­si­toire dépouillé du néant à la sauce close» (Artaud).

P
our Ser­gent la beauté trouve comme par­fait syno­nyme l’énergie. Elle reste l’élan et la résul­tante du des­sin et de la pein­ture. A l’attirance « ration­nelle » que pro­voque une res­sem­blance se super­pose un attrait irra­tion­nel pour la com­plexion char­nelle. Le désir n’est jamais très loin. Mais un désir qui s’intéresse à une sen­sua­lité par­ti­cu­lière et cos­mo­go­nique. L’acte sexuel est donc trans­formé en un rite où l’amour devient insé­pa­rable du sens de l’être. L’artiste l’évoque dans un de ses textes :
« La nuit est juste l’ombre de la terre
Les femmes font le lien entre le ration­nel et l’irrationnel
Des vulves, des matrices et des étoiles
Des étoiles, des matrices et des vulves
La vie se créer, se répète, se repousse
Le sacré nous observe
Équi­libre du coquillage ouvert
La mai­son bas­cule
La nuit est là où repose l’ombre de la terre ».
Mais cet obs­cur appelle la clarté comme la mort appelle la vie . Contre le « matrix » des appren­tis sor­ciers, l’artiste franco-américain en appelle à la matrice. Plus que sexuelle, elle devient celle de la vraie vie comme du vrai corps lié à celui du cos­mos. Il s’agit d’une matrice incom­men­su­rable — autant force dyna­mique que foyer phi­lo­so­phal — qui se déploie dans l’œuvre selon divers axes de figu­ra­tions. Thèmes, cou­leurs, éner­gies s’y mélangent en un foi­son­ne­ment. Il per­met de retour­ner vers le mys­tère de la créa­tion par delà les dualités.

Surgit un « corps » secoué par l’instinct comme par la pen­sée à tra­vers la charge éro­tique des images. L’impression de lumière que pro­voquent les mono­chromes et la sty­li­sa­tion des formes devient le moyen d’affaiblir les indices de réa­lité phé­no­mé­nale ou plu­tôt les illu­sions réa­listes. En mon­trant moins, elles montrent plus car elles forcent à regar­der avec une atten­tion accrue. L’éloignement du réel fait donc le jeu d’une autre proxi­mité. Voir n’est plus per­ce­voir mais  “perdre voir” pour atteindre un ordre supé­rieur : celui de la vision et du sacré. 
Ce choix viole les lois de la repré­sen­ta­tion et le maté­ria­lisme. Il réta­blit l’origine de la pen­sée dans une chair tel­lu­rique et rédemp­trice (comme celle qu’Artaud rêva de trou­ver en ter­ri­toire Tara­hu­ma­ras) tota­le­ment igno­rée par un cer­tain art déva­lo­risé au nom de  la consom­ma­tion et de la mort.

jean-paul gavard-perret

Jean-Pierre Ser­gent, Sex and rituals , Gale­rie Omni­bus, Besan­çon, du 2 mars au 18 avril 2013.

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