Jacques Cauda est l’impétrant de sa propre légende dont toute nostalgie est exclue. Ce n’est pas le genre de la maison. Il se veut plutôt du genre picnoleptique - terme qui définit les jeunes enfants que l’on traite d’ “attardés” parce qu’ils ne se souviennent plus des événements qui se sont déroulés. Il s’en trouve ravi, d’autant que sa mémoire existe bien. Mais elle est sélective.
Sa profession de foi est donc parfaitement hérétique à deux exceptions près. Et elles sont notables : les femmes et la peinture. Il est quasi l’otage ou au moins l’hôte des bois de lit et de ceux qui tendent les toiles. Celui qui est né dans la zone n’en fait jamais état de manière péremptoire, il préfère de ce passé décrocher les détails qui, paradoxalement, deviennent des pertes de repères.
Non que l’auteur et artiste soit soumis à des absences. Il est plus vert et galant que jamais, ce qui ne l’empêche pas de rudoyer certaines bougresses : il a été élevé en animal plus qu’éduqué. Mais nourri beaucoup et bien, ce qui engage à une certaine confiance dans l’instinct vital et même pictural même si notre “Gilles” (de Watteau) était près à des électrochoc hauts en watt question existence.
Après sa Comilédie (paru il y a deux ans chez le même éditeur), il reprend le flambeau à l’image de l’une ou l’autre de ses modèles qui pourrait brandir son machin, son truc (enfin vous voyez). Il reprend donc sa genèse, son enfance de garnement des fossés et ce qui fit son oeuvre. A savoir un aéropage de “gonzesses”. Du moins si nous pouvons nommer ainsi Jacqueline Cloarec, Elisabeth Reine, Michèle de Andrade, Brigitte Poussin (aux robes moins jaunes que Brigitte Macron), Madame Avon (qui vaut messes et savons) Mademoiselle O, Chanel, Sonie, Juliette.
Bref, il eut d’emblée du grain à moudre et ne s’en est pas privé. Agile du pinceau, il anime son “bordel philosophique” là où il n’y a pas que les idées qui titillent. Mais ceux qui connaissent l’auteur s’en seraient doutés. Ils ne seront pas déçus. Celui qui est “l“hostie et le pinceau” cultive “la caresse des “poils du pinceau pubien”. Et c’est un virtuose.
Reprenant une vision baudelairienne selon laquelle la femme au naturel est abominable, Cauda ne reste pas dans une telle (im)posture minable. Certes, il sait maquiller ses conquêtes de fards et de couleurs afin que la peinture fasse ce que la nature a omis. Pour autant, il reste au chevet autant du chevalet que devant les dames en valet et coeur et parfait escrimeur.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, Profession de foi, Tinbad Récit, Paris, 2019, 144 p. — 18,00 €.