Sous le commissariat d’ Olivier Keappelin (ce qui est déjà un gage de qualité) Louise Tilleke présente ses derniers travaux (dessins, peintures, vidéos, performances) dans les intérieurs mis à nu avant réfection de l’ex-hôtel Lotti en travaux avant sa réouverture prochaine en tant que nouvel hôtel Costes. Détournant la célèbre phrase de J-F K (Ne vous demandez pas ce que l’Amérique peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour elle), la créatrice multiplie ici les images capables de secouer notre indifférence comme celle des maîtres de jeu mondial dont nous dépendons.
Si bien qu’un tel lieu – et en son état – n’est pas neutre. Louise Tilleke mixe la présence de personnages qui luttent pour la sauvegarde de la planète bleue, des paysages menacés, des figures d’animaux. L’invitation de la créatrice est donc ponctuée d’images tout sauf anecdotiques. Et celle qui éprouva une allergie profonde aux enseignements académiques fait toujours preuve d’une indépendance sans se soucier des canons de la mode. Elle cherche à créer des émotions visuelles fortes où transparaissent dérives, perditions, solitudes. Elle rappelle combien l’homme, qu’il soit contraint à émigrer ou simple aventurier du quotidien, vit dans un monde de plus en plus précaire et fermé.
L’artiste en finit avec les utopies et nous met face aux monstres et au déséquilibre. Les œuvres souvent bouleversantes sans pour autant jouer sur le simple pathos — ce qui serait aussi facile que vain. Chacune de ses techniques devient une forme d’alerte et de ralliement à une cause qui devrait être commune sauf à jouir d’aller droit dans le mur et sans se soucier de celles et ceux qui nous suivent.
Chez elle, pas de place pour la théorie : juste des situations concrètes, des réalités contingentes où la souffrance est incarnée jusque dans notre « viande » comme disait Artaud. L’intensité d’appel est frappante. La plasticienne rend l’art au statut d’ “opération” — entendons par ce terme à la fois opéra nécessairement cruel mais aussi ouverture. L’œuvre devient celle de la contagion du temps par ce qui le fissure.
jean-paul gavard-perret
Louise Tilleke, Ne demande pas ce que la terre… », exposition du 19 au 21 octobre, Hôtel Costes, Paris 1er.