Le 8ème Prix Carmignac du Photojournalisme a été très justement accordée à Lizzie Sadin pour son travail sur la traite des femmes au Népal. L’artiste lutte pour le droit des femmes depuis plus de 25 ans et prouve dans cette série que le pays des trekkeurs et alpinistes est celui où les femmes sont les plus maltraitées au monde. Dans cette socitété patriarcale elles sont méprisées dès le plus jeune âge : mariées de force, répudiées, violées, assassinées, oubliées sans que personne n’en parle.
Pendant trois mois elle a contacté les associations qui luttent face à ce problème pour comprendre la manière dont les femmes et jeunes filles sont piégées et rendues captives par des réseaux mafieux. Leurs crimes sont facilités par des traditions ancestrales discriminantes dans laquelle la femme est réduite à l’état d’objet. Et le tremblement de terre en 2015 n’a fait qu’empirer leur condition. Sans emploi ni toit, souvent séparées de leur mari contraint à s’exiler à l’étranger ou parfois complices, elles deviennent la proie de divers trafics.
Arrachées aux zones rurales, les filles sont amenées à Katmandou où elles subissent l’exploitation sexuelle dans des dancings, salons de massage, etc.. Certaines sont « exportées » comme prostituées en Inde, au Moyen-Orient, en Corée du Sud, en Chine et en Malaisie. En infiltrant les réseaux de vente et de prostitution obligée, la photographe a pu rencontrer ces femmes, leurs bourreaux tenanciers de bordel, leurs clients demandeurs de chair fraîche. Lizzie Sadim a su « voler » des photos non sans risque mais qui parlent plus que tout discours.
Mais osant affronter maris complices, proxénètes, trafiquants, elle dresse un état affligeant des lieux. Personne au Népal ne considère le marché des femmes comme du trafic ou de la traite : même les filles et leur famille. Il fallait donc témoigner pour informer, autant au sein même de cette société comme dans le monde, d’une telle situation. Pour ces femmes, se vendre représente l’espoir d’un emploi lucratif afin d’envoyer de l’argent à leur famille restée dans les villages. La naïveté de filles privées de tout enseignement est donc du pain béni pour les trafiquants : elles croient ce qu’ils font miroiter.
La grande pauvreté et la discrimination ne laissent pas optimistes quant à l’avenir. Croyant proposer sa force de travail, c’est sa personne elle-même que chaque femme offre. Il est donc nécessaire de porter le curseur sur ce problème dans l’espoir – certes un peu vain, pour l’heure — d’un avenir meilleur.
Le Piège qui se referme sur les femmes au Népal n’est hélas qu’un symptôme d’un mal plus général. Les vie brisées des filles victimes de servitude de toutes sortes ne sont pas le monopole d’un seul Etat. Lotta continua.
jean-paul gavard-perret
Lizzie Sadin, Le Piège, traite des Femmes au Népal, Skira Editions, Paris,
Exposition Hôtel de l’Industrie, Paris 6ème , (du 19 octobre au 12 novembre 2017)