Ces textes sont paradoxalement un moyen de sortir de l’eau tout en s’y jetant selon le prophète de Marseille qui, au chant articulé, préfère la répétition, l’accumulation et la variation là où nul ne sait de la peau ou de l’eau qui tremble. Sébastien Lespinasse crée une sensation de glisse ou de trajet de la mer sur le corps ou du corps sur la mer là où les mots bougent, s’appellent en leurs itérations et dérives.
Pas question d’en faire des moines pétrifiés mais juste des épaves alignées sur leurs tiges. Elles créent le squelette des poèmes en des colonies plus ou moins pénitentiaires, rampantes et rythmiques. Tout serpente entre paroles et actes qui, selon une algébrique poétique, s’annulent les uns les autres comme noyés en des parenthèses de silence.
Le tout reste de ne pas perdre le fil dans ce qui chute, efface, “s’endoface, se circonface”. Chaque texte serpente en d’infimes silences et mots. Ces derniers deviennent des gouttes de soleil entre des lèvres presque muettes. Au lecteur de suivre ces passages indéchiffrables car sinueux et si noueux là où les masques s’écartèlent entre appui s, élans et déphasages de segments phrastiques engloutis dans l’eau blanche de chaque page jusqu’à disparaître en cet espace.
Mais le rythme (de nage de survie ?) frappe par delà le langage : celui-ci tente de rugir sous l’eau.
jean-paul gavard-perret
Sébastien Lespinasse, Esthétique de la noyade, Editions PLAINE Page, coll. Connexions, Barjols, 2017, 98 p. — 10,00 €.