Julien Tardif est un jeune poète encore méconnu. Il ne se résigne pas à l’écume des vagues et cherche la consistance tout en se moquant des réseaux de cour qui donnent l’habilitation de « poète » à ceux qui n’en sont que les histrions. Mais il faut bien que les fonctionnaires de la culture vivent. Ils ne peuvent se reconnaître dans les marges de Tardif le possédé. Celui-ci rappelle que « la solitude aide et la paresse en donne une idée plus profonde encore ». Mais ces deux qualités restent les prolégomènes à la colère qui monte face « aux derniers optimistes » pour leur rappeler l’aspect duale de toute « vérité » : le travail y prend la place du jeu (et vice-versa), la merde celui de l’or, « comme nos civilisations prennent la place des autres ».
Mis par Dieu (qui s’emmerde) ou par un autre dans une tranchée de l’une d’elles, il combat à sa manière. Passionné par la littérature et la philosophie, il en appelle aux nègres blancs de l’occident enivrés de sang par l’establishment médiatique. Et qu’importe s’ils sont « sans panache / et sans arme ».
L’auteur se sent de taille à rivaliser avec un monde qui serait plus soumis à la pression du désespoir des migrants qu’à la corruption des bourgeois. Le tout au sein d’une comédie de la misère plus que de la grandeur humaine. Il existe sans doute là un idéalisme mais il permet de ranime des feux que nous pensions éteints.
Si bien que celui de Dieu s’en trouve sinon amoindri du moins offensé voire pris en otage. La force divinatoire de la théocratie politique est donc soumise à celle de la tentation de la liberté. Le bien et le mal aussi puissants l’un que l’autre se rencontrent là où l’auteur met en situation de crise. Celle-ci renverse les règles et jusqu’aux vertus de la poésie classique.
Existe là une nouvelle version d’un Ecoute petit homme à la Willhelm Reich. Il ne suffit plus de plonger dans un cauchemar monstrueux comme unique vérité. C’est donc un « en marche » qui est psalmodié. Mais il n’a rien de macronien. Exit l’« Ange » qui feint de faire croire que tout dans ce monde est doux.
Julien Tardif scénarise ceux qui deviennent la « contre-figure » dans laquelle il peut projeter ses ombres. Il ne s’agit en rien d’un prosélytisme ou d’une négation du désir. L’auteur trouve là un moyen de sortir de toute autofiction pour illustrer comment et combien il convient de se battre face à un enthousiasme secret pour tout ce qui détruit. Le faut-il ? Il le faut.
jean-paul gavard-perret
Julien Tardif, Nous étions de ceux là, Editions Tarmac, Nancy, 2017, 40 p. — 10,00 €.