Les cahiers de Tinbad prennent le relais des grandes revues du passé – on pense à Change, TXT ou Tel Quel. D’autant qu’à coté de nombreux textes de jeunes auteurs, la revue offre le premier dossier important sur l’œuvre majeure de Philippe Jaffeux. Il est complété — entre autres — par deux textes sur Marc Pierret récemment disparu et un dossier sur Pierre Rottenberg qui demeure un auteur scandaleusement méconnu.
Sont aussi présents un texte sur ” Le Film-testament” de Peter Kubelka par Guillaume Basquin , un autre de Jacques Sicard sur le film “La Vallée close” de Jean-Claude Rousseau, des poèmes inédits de la poète Unica Zürn et un texte coruscant de Steven Sampson sur Donald Trump.
De cet ensemble exceptionnel nous retiendrons la présence de Philippe Jaffeux, sa révision générale du poétique voire de son renversement à l’ordinateur. Il n’est pourtant en rien pour lui une simple machine désirante. Mais les logiciels de traitement de texte font ce que les mots ne font pas. Le soft-ware analogique travaille le pseudo hard-ware de l’esprit, si bien que la parole ne vient plus (ou pas seulement) du dedans mais du dehors. Elle s’applique face aux émois comme face aux bruits communicationnels qui en sont le fruit au sein d’une confiture culturelle molle.
L’immense Alphabet de Jaffeux — sa propre Divine Comédie — en est la preuve. Il est construit de manière à ébranler la syntaxe et le jeu de logos non pour qu’il déraille mais afin qu’il parle autrement qu’en réduisant l’auteur à qui il est : un analphabète. En mettant en contact l’intensité du cerveau à celle de l’ordinateur et en scellant la pétition de principe créatrice à travers les textes taoïstes Jaffeux redonne une forme d’intelligence instinctive à la langue au moment où l’écrivain « articule le savoir de son ignorance avec la qualité spatiale de l’écriture ». Elle échappe ici à une contrainte purement linéaire pour atteindre une forme de « cubisme ».
jean-paul gavard-perret
Les Cahiers de Tinbad, n° 4, Tinbad, Paris.
Merci, Cher Jean-Paul Gavard-Perret de relayer ainsi fidèlement le travail à souligner et défendre de Tinbad. MCDem.