On se souvient de la fameuse phrase de Winnie dans Oh les beaux jours de Beckett : “Assez les images”. Cette injonction, Laurent Grsion la poursuit, toujours en fidélité à l’auteur par un « assez les mots ». Il fait fondre la langue, « pas en avant / pas en arrière / pas davantage / (pas d’aventure). On est loin donc du « pas au delà » de l’écriture cher à Blanchot dans ce retour au fondamental plus qu’aux fondamentaux.
Et non parce que, à l’origine, était le verbe mais parce que les mots sont là et c’est tout ce qui reste. En dernier suspend et avant de rejoindre le silence final. Faut-il à ce point rappeler que Laurent Grison a depuis longtemps purgé le rêve ? Restent les « angles vifs » où viennent se fracasser les structures primitives des mots. Ils perdent toute adhérence aux effets de réalité. Halte au « cri désespéré » lamartinien : non seulement il n’est pas le plus beau mais il est parfaitement superfétatoire.
Par ce biais, Grison en appelle a à un autre « degré » de civilisation plus primitive et sourde à travers des critères que les adeptes de poésie policée qualifieront de barbares. Reste néanmoins, et comme chez Beckett, un appel à l’utopie la plus paradoxale par développement d’une poétique qui n’a rien d’imitative. Comment ne pas le suivre en une telle voie ? Existe là une ambition « morale » qui prend le contrepied du logos et de tout fait de nature.
Celui qui ne se laisse ficeler par aucun scénario discursif évite tout langage didactique. Loin des couches asphyxiantes du sens, il troue la langue, la libère en lui inoculant des béances sanitaires jusqu’à l’extinction finale.
jean-paul gavard-perret
Laurent Grison, L’homme élémentaire, Color Gang editions, collection Atelier, Saint Génis des Fontaines, 2017 — 20,00 €.